La France au cœur d’un trafic de Subutex

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© LIONEL BONAVENTURE / AFP
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Pierre de Cossette , modifié à
Classé comme médicament dans l’Hexagone mais comme stupéfiant d’autres pays européens, ce dérivé de morphine fait l’objet d’un trafic, dont des acteurs sont jugés à partir de vendredi à Paris. 

C’est un trafic pas comme les autres dont les acteurs vont être jugés à partir de vendredi devant le tribunal correctionnel de Paris. Il concerne le Subutex, mi-médicament, mi-drogue, qui sert en France de traitement de substitution à l’héroïne, à destination des toxicomanes. Et si ce trafic est si original, c’est qu’en la matière, la France exporte.

Subutex et rien d'autre ! En effet, dans l’Hexagone, le Subutex est classé comme médicament, alors que dans la plupart des pays européens, ce dérivé de la morphine est classé comme stupéfiant. Depuis trois ans, des trafiquants se sont engouffrés dans la brèche, avec un impératif et rien d’autres : c'est Subutex et rien d'autre ! Pas de médicament générique, car le Subutex, c'est du Made in France, et c'est dont un gage de qualité.

Une plus-value qui donne le tournis. Et la qualité, ça a un prix. En l’occurrence, la plus-value potentielle donne le tournis. Chez le pharmacien, le cachet de Subutex revient à deux euros. En Finlande par exemple, où le médicament est interdit, la pilule peut atteindre les 100 euros. Et en prison, le prix peut grimper jusqu’à 300 voire 400 euros.

Des médecins complaisants, voire complices. Pour se procurer du Subutex, l’organisation est simple. Cela commence par des patients qui n'ont pas du tout besoin de Subutex et qui débarquent chez un médecin complaisant, voire complice. Ils restent quelques minutes et repartent avec des dizaines d'ordonnances dans les poches, sans la moindre consultation. A lui seul, l'un des généralistes jugés aujourd'hui a prescrit jusqu'à 7.000 boîtes par mois. Ce qui représente un cachet sur six prescrit dans toute l'Ile-de-France, et un prix de plus de 100.000 euros.

"On est passé à une phase industrielle". A ce stade, la trafic est passé du stade artisanal, pour la consommation locale, à un autre dimension. "On est passé à une phase industrielle puisqu’on a prouvé qu’un médecin prescrivait jusqu’à 130 ordonnances de Subutex sur une demi-journée", explique  le colonel de gendarmerie Jacques Diacono, chef de l'OCLAESP, l'office de santé publique. "On a pu aussi estimer que des pharmacies faisaient plus de 25% de leur chiffre d’affaires sur le Subutex, ce qui est anormal par rapport à une officine classique", poursuit le militaire, interrogé par Europe 1.

Parce qu'il y a ensuite des pharmaciens qui en effet ferment les yeux sur des ordonnances mal rédigées, avec des doses parfois supérieures à la posologie maximale. Les "patients" repartent alors les bras pleins de boites de Subutex pour les organisateurs du trafic, direction l'Europe du Nord principalement.

Des millions d'euros de préjudice pour la Sécu. Le plus incroyable, c’est que c’est la Sécurité sociale qui finance ce trafic, à son insu. Et le préjudice se chiffre en millions d’euros, puis que l’Assurance maladie doit rembourser à la fois les consultations des faux-patients qui sont à la CMU, la couverture maladie universelle et les médicaments. A 16 euros la plaquette de 7 cachets, l'addition monte très vite.

Alors que les malfaiteurs, eux, profitent d'une justice plus clémente avec le trafic de médicaments qu'avec celui de stupéfiants. En bande organisée, c'est 7 ans maximum pour les médicaments, et jusqu'à 30 ans pour la drogue.