Disparition de Mathis : "Dis-moi ce que tu lui as fait"

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La mère du petit Mathis, disparu en 2011, aux assises du Calvados, le 1er juin 2015. © CHARLY TRIBALLEAU / AFP
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et François Coulon avec AFP , modifié à
Au travers des témoignages de sa dernière compagne et de la mère du petit garçon, le père de Mathis est apparu, mardi, comme un "manipulateur" instillant la "peur".

Depuis septembre 2011, c’est une mère qui vit dans l’angoisse, qui ne sait pas si son fils est encore en vie. Mardi, devant la cour d’assises de Caen, Nathalie Barré, la maman de Mathis, a fait face au père de son enfant, Sylvain Jouanneau, jugé pour enlèvement et séquestration depuis lundi. Le vendredi 2 septembre 2011, cet ancien maçon - au casier judiciaire vierge - est allé chercher son petit garçon de huit ans à l'école. Mais il ne l'a jamais ramené chez sa mère, le dimanche au soir comme il aurait dû.

"Dis-moi ce que tu as fait de Mathis". A la barre, la supplique de la mère fait froid dans le dos. "Dis-moi ce que tu as fait de Mathis", implore Nathalie Barré face à son ex-conjoint. En pleurs, elle poursuit : "Où est-il ? Et avec qui ?" Mais cette femme de 49 ans n’a pour réponse que le mutisme assourdissant dans lequel son ex-compagnon, âgé de 41 ans, s’est muré.

Des centaines de lignes à copier pour un pipi au lit. Nathalie Barré raconte un Sylvain Jouanneau glacial, qui, lors d’un week-end, a fait copier des centaines de lignes à son fils parce qu'il avait uriné au lit. A son retour, "Mathis […] avait cette souffrance. Elle était énorme. Il avait la misère dans ses yeux", s’est-elle souvenue, dans un témoignage qui a déclenché les larmes tant du côté de la famille maternelle de Mathis que grand-paternelle.

La "peur" des retrouvailles. Devant la cour, la maman dresse le portrait d’un enfant sensible et doux, malgré les manipulations dont il faisait l’objet de la part de son père. "Je savais qu’il était en danger à chaque fois que je le déposais chez lui", lâche Nathalie Barré. Lorsque l’avocat général lui demande d’imaginer à quoi pourraient ressembler des retrouvailles avec son petit garçon, c’est la crainte qui prend le dessus : "J’ai peur qu’il soit détruit par ce qu’il aura vécu. Son père a dû lui arracher le cœur en lui disant que j’étais morte."

Un homme instable. Ce père, Nathalie Barré le décrit aussi comme un homme "attentionné", au départ du moins. Très vite toutefois, il lui fait "peur" et elle doit le quitter parce qu'elle est "psychologiquement usée". "Il régentait tout. A chaque fois qu'on entrait en conflit, soit il faisait des fugues, soit il se faisait hospitaliser", explique-t-elle. L’ancienne commerçante affirme également que l'accusé lui a fait signer un contrat lors de leur séparation dans lequel elle pouvait décider quand l'enfant voyait son père, mais ne s’engageait à ne pas toucher de pension alimentaire.

Un "manipulateur".Sylvain Jouanneau comparaît aussi pour menaces de mort sur sa dernière compagne, Emmanuelle Lecerf - qui l’a quitté en août 2011 -, et deux proches de cette femme. D’elle, Sylvain Jouanneau était fou amoureux. Il souhaite se marier, mais le sentiment n’est pas réciproque. Emmanuelle se retrouve alors avec un soi-disant contrat sur sa tête et celle des membres de sa famille. Depuis, cette femme vit dans l’angoisse. Comme Nathalie Barré, elle parle d’un homme au visage changeant, terriblement manipulateur.

Une première tentative d’enlèvement. Trop terrorisée pour se déplacer, elle raconte par visioconférence qu’une première tentative d’enlèvement de Mathis a eu lieu huit mois avant le vrai passage à l’acte. Ce jour de janvier 2011, l’homme, "hystérique" au téléphone, lui dit qu’il est à la frontière espagnole avec l’enfant "qui pleure". La jeune femme passera deux heures à le convaincre de ramener Mathis à Caen. "Le but que Sylvain avait, c’était de faire souffrir Nathalie", estime-t-elle, ajoutant qu’il avait de "la haine" envers la mère de son fils.

Le syndrome de Médée ? Au fil de l’audience, le profil de l’accusé se dessine. Dans un courrier, celui qui ne dévoile pas l’ombre d’une émotion, évoque ses envies meurtrières : "Je suis capable du pire". Et si Jouanneau avait tué son fils ? C’est l’un des experts qui s’interroge à la barre, en mentionnant le "syndrome de Médée" : tuer l’enfant pour se venger de l’autre parent, le réduire à un objet de vengeance.

Un silence révélateur ? Cette terrible hypothèse, la mère de Mathis l’envisage de plus en plus. "Il se fiche complètement de la souffrance des personnes qui sont là, en particulier de moi. C’est inquiétant pour Mathis, car on a affaire à quelqu’un qui est complètement irrationnel", glisse-t-elle au micro d’Europe 1, à la sortie de l’audience. "Je n’arrive pas à me faire à l’idée que Mathis est décédé, mais je m’inquiète de plus en plus. Il nous tient comme cela, d’un fil, et au final, il ne dit rien."

La cour d’assises dispose encore de trois jours pour tenter de sortir l’accusé de son silence.