Un bus scolaire avait percuté un train à hauteur de ce passage à niveau à Millas (Pyrénées-Orientales) 1:19
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Stéphane Burgatt avec AFP , modifié à
La conductrice du car scolaire qui avait percuté un train à hauteur d'un passage à niveau à Millas dans les Pyrénées-Orientales a été condamnée à cinq ans de prison dont quatre avec sursis. Un soulagement pour les victimes et leurs familles. Nadine Oliveira compte néanmoins faire appel de cette décision.

La conductrice du car scolaire percuté par un TER au passage à niveau de Millas dans les Pyrénées-Orientales en décembre 2017, accident qui avait causé la mort de six enfants, a été condamnée vendredi à cinq ans de prison, dont quatre avec sursis. Les avocats de Nadine Oliveira, 53 ans, jugée pour "homicides et blessures involontaires", avaient demandé la relaxe de leur cliente, hospitalisée depuis le 22 septembre et absente au prononcé du jugement vendredi.

L'année de prison ferme sera exécutée par la prévenue sous le régime de l'emprisonnement à domicile, sous surveillance électronique, a précisé la présidente du tribunal correctionnel de Marseille, Céline Ballerini. Cette année ferme a été décidée par la magistrate "pour tenir compte de la dimension punitive" que doit comporter la peine en raison des "conséquences irréversibles" des faits reprochés, a-t-elle expliqué, en rendant son jugement dans la salle des procès hors normes du tribunal judiciaire de Marseille, seule ville avec Paris à accueillir un pôle spécialisé dans les accidents collectifs.

"Un comportement pas adapté aux circonstances" 

Cet "accident a pour origine une faute certes grave mais d'inattention, une faute involontaire", a ajouté Céline Ballerini, selon qui Nadine Oliveira a eu "un comportement pas adapté aux circonstances", entraînant des "souffrances particulièrement vives et qui perdurent" pour "le village de Saint-Feliù-d'Avall et au-delà toute une région".

Pour le père d'une des victimes, cette peine est surtout synonyme de soulagement. "L'acquittement, ça aurait été catastrophique", confie-t-il au micro d'Europe 1. "Le mot coupable, c'est le mot le plus important, le mot qu'on voulait entendre." L'homme avait besoin de ce procès pour aller de l'avant. Ils ont appris lors de l'audience, avec la mère de sa fille, à quoi ressemblaient les derniers moments de leur enfant. "C'était hyper important, parce qu'en fait jusqu'à maintenant on ne savait pas pourquoi et comment. Là on a eu des réponses. Elle jouait aux cartes avec son camarade Enzo mais au moment de l'impact elle regardait les cartes. Pour nous ça veut dire qu'elle n'a pas vu arriver le train. C'est hyper important."

Le tribunal a également décidé l'annulation des permis de conduire de Nadine Oliveira, avec interdiction de les repasser pendant cinq ans. De même il lui est désormais interdit "à titre définitif" d'exercer toute fonction dans le domaine des transports. Comme lors du procès, du 19 septembre au 5 octobre à Marseille, le jugement a été retransmis en direct vendredi au palais de justice de Perpignan, devant la quasi totalité des parties civiles, seules sept d'entre elles ayant fait le déplacement dans la cité phocéenne.

La peine prononcée est conforme aux réquisitions du procureur Michel Sastre. Dans un réquisitoire équilibré, celui-ci avait rappelé que des "vies d'enfants ont été ôtées, (...) des familles anéanties", et que pour les victimes c'est bien la "perpétuité" qui leur a été infligée. La collision entre le car scolaire conduit par Nadine Oliveira et un TER, le 14 décembre 2017, au passage à niveau de Millas, avait provoqué la mort de six enfants âgés de 11 à 13 ans et en avait blessé 17 autres, dont huit grièvement.

Un "trou noir" au moment de l'accident

Avant le drame, Nadine Oliveira avait emprunté ce passage à niveau N.25 presque 400 fois, et elle ne l'avait jamais vu fermé. Pendant l'enquête comme à l'audience, elle a toujours soutenu que les barrières étaient ouvertes le jour du drame, malgré les expertises et certains témoignages, notamment celui d'une jeune fille assise à l'avant du car.

Elle a aussi évoqué un "trou noir" au moment de l'accident. À l'audience, une des jeunes victimes, aujourd'hui presque majeure et qui a perdu une jambe dans l'accident, avait estimé que pour elle "la conductrice (était) déjà morte": elle est "emprisonnée en elle-même", avait-elle lancé, par la voix de son avocate.