Affaires des «écoutes» : début du procès en appel de Nicolas Sarkozy pour corruption

Nicolas Sarkozy assiste à partir de ce lundi à son procès en appel dans le cadre de l'affaire des écoutes
Nicolas Sarkozy assiste à partir de ce lundi à son procès en appel dans le cadre de l'affaire des écoutes © Alain JOCARD / AFP
  • Copié
avec AFP , modifié à
Ce lundi s'est ouvert le procès en appel de Nicolas Sarkozy pour corruption et trafic d'affluence. Avec son avocat Thierry Herzog, ils sont accusés d'avoir œuvré auprès de l'ex-magistrat Gilbert Azibert pour peser sur une décision qui intéressait fortement l'ancien chef de l'État au sujet de l'affaire Bettencourt. 

Le procès en appel de Nicolas Sarkozy pour corruption et trafic d'influence dans l'affaire des "écoutes" s'est ouvert lundi à Paris en présence de l'ancien président, rejugé avec son avocat historique Thierry Herzog et l'ex-magistrat Gilbert Azibert. Costume et cravate noires sur chemise blanche, l'ancien chef de l'Etat, 67 ans, a pris place aux côtés de ses deux coprévenus dans la salle bondée de la cour d'appel, qui va les rejuger dans cette retentissante affaire qui remonte à 2014.

En première instance, à l'issue d'un procès électrique où il avait dénoncé des "infamies", l'ancien président avait été condamné le 1er mars 2021 à trois ans d'emprisonnement, dont un an ferme, devenant le premier chef de l'Etat de la Ve République condamné à de la prison ferme. La même peine a été prononcée contre ses coprévenus, assortie pour Me Herzog, 67 ans, d'une interdiction d'exercer pendant cinq ans, mise en suspens par l'appel.

Un coup de pouce pour un poste prestigieux

Ce sinueux dossier trouve son origine dans les interceptions téléphoniques de conversations entre Nicolas Sarkozy et Me Herzog début 2014. A l'époque, les deux téléphones de l'ex-homme fort de la droite ont été "branchés" par les juges chargés de l'enquête sur des soupçons de financement libyen de sa campagne de 2007, qui lui valent aujourd'hui une quadruple mise en examen. Les enquêteurs découvrent alors l'existence d'une troisième ligne mise en service le 11 janvier 2014 sous l'alias "Paul Bismuth" - du nom d'une connaissance de lycée de Me Herzog - et dédiée aux échanges entre l'ex-président et son avocat et ami.

Au fil de conversations qu'ils pensent à l'abri des oreilles indiscrètes, se dessine, selon l'accusation, un pacte de corruption noué avec Gilbert Azibert, avocat général à la Cour de cassation, qui aurait usé de son influence contre la promesse d'une intervention pour sa carrière. Ce haut magistrat de 75 ans, aujourd'hui retraité, est accusé d'avoir œuvré en coulisses pour peser sur une décision qui intéressait au plus haut point l'ancien chef de l'Etat.

A l'époque, la Cour de cassation était saisie d'un pourvoi de Nicolas Sarkozy, qui voulait faire annuler la saisie de ses agendas présidentiels dans le cadre de l'enquête pour abus de faiblesse sur l'héritière de L'Oréal Liliane Bettencourt. Gilbert Azibert est soupçonné d'avoir eu connaissance, en amont, d'informations confidentielles et tenté d'influencer des conseillers participant aux délibérations. En échange, selon l'accusation, d'un "coup de pouce" pour un poste prestigieux à Monaco.

Un "faisceau d'indices graves, précis et concordants" 

Finalement, Gilbert Azibert ne décrochera pas le poste convoité et la Cour de cassation rejettera le pourvoi de Nicolas Sarkozy. Le point de savoir s'il est intervenu auprès des autorités monégasques reste discuté. Selon la défense, c'est la preuve que ces accusations relèvent du "fantasme".

Au contraire, le tribunal correctionnel avait considéré que le pacte de corruption ressortait d'un "faisceau d'indices graves, précis et concordants". Selon la loi, il n'est pas nécessaire que la contrepartie ait été obtenue, ni que l'influence soit réelle pour caractériser la corruption ou le trafic d'influence.

Après sa condamnation, l'ex-président s'était dit victime d'une "injustice profonde" et la droite avait crié haro sur le parquet national financier (PNF), qui avait confié l'enquête à deux juges d'instruction début 2014 et dont l'impartialité avait été mise en cause par la défense lors du procès.

L'enquête ouverte par le PNF n'a pas permis de déceler de "taupe" 

Les débats devant la cour d'appel, prévus jusqu'au 16 décembre, promettent d'être moins orageux mais une zone d'ombre au moins demeurera. Fin février 2014, un changement de ton dans les échanges entre Nicolas Sarkozy et son avocat avait convaincu les enquêteurs qu'ils se savaient sur écoute - ce qu'ils contestent.

Une enquête distincte, ouverte par le PNF, n'a pas permis d'identifier une éventuelle "taupe" qui les aurait informés mais elle a provoqué son propre séisme - l'affaire des "fadettes" - en marge de laquelle le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti a été renvoyé devant la Cour de justice de la République.

A l'issue du procès en appel des "écoutes", la décision sera mise en délibéré à plusieurs semaines. Un autre rendez-vous attend Nicolas Sarkozy en novembre et décembre 2023: le procès en appel de l'affaire Bygmalion, dans laquelle il a été condamné en septembre 2021 à un an ferme.