Les indics, un secret jalousement gardé

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ZOOM - Europe1.fr vous dit tout sur ces anonymes qui donnent des bons tuyaux aux enquêteurs.

Peut-on "balancer" le nom d'un indic? La question se pose au travers de deux affaires à la une. A Marseille, des policiers sont soupçonnés d'avoir "balancé" le nom de l'un de leurs indics, retrouvé mort peu après. A Dijon, c'est un avocat qui demande la levée de l'anonymat de l'indicateur qui aurait donné les informations ayant permis l'arrestation de son client.

Du simple témoin fortuit à l'indic professionnel

Qui peut devenir indicateur ? Tout le monde. Il existe "trois familles" d'indicateurs, explique Christophe Cornevin, auteur du livre Les Indics. Plongée au coeur de cette France de l'ombre qui informe l'Etat. Les simples témoins d'un fait qui vont témoigner spontanément auprès des policiers ou des gendarmes.

Les informateurs réguliers, qui sont généralement implantés localement et qui du fait de leur activité - brocanteur, garagiste, hôtelier - peuvent obtenir des informations. Et enfin, les indics "professionnels". Ce sont généralement des voyous issus du grand banditisme qui peuvent apporter des tuyaux sur des gros trafics. Eux sont payés pour donner leurs informations.

Près de 4.500 indics

Policiers, gendarmes, douaniers, ont-ils les mêmes indics ? Non. Chaque branche a ses propres informateurs. La police en compte environ 1.700, gérés par le Bureau central des sources. Fin 2010, la gendarmerie avait 750 indics professionnels. C'est la Section centrale des sources qui est chargée d'eux.

Enfin, les douaniers comptent eux aussi beaucoup sur ceux qu'ils appellent les "aviseurs". Ils peuvent s'appuyer sur plus de 2.000 d'entre eux.

Les mauvais indics aussi fichés

Il existe également, selon Christophe Cornevin, une "liste noire" européenne des "mauvais" indics. Une cinquantaine de Français y figurerait.

L'anonymat des indicateurs est-il obligatoire ? Oui, c'est inscrit dans la loi Perben II de 2004. Dans les fichiers, les indics sont identifiés par un numéro de code formé à partir des lettres de leur nom, de leur sexe et de leur date de naissance.

L'identité des indics "est jalousement gardée pour ne jamais être identifiée", écrit Christophe Cornevin dans son livre. "Révéler le nom d’un indic est inimaginable, ça ne se fait jamais. C’est une question de sécurité", a justifié un policier qui a enquêté dans l'affaire du trafic de drogue jugé à Dijon.

L'anonymat préservé coûte que coûte

La Cour de cassation a d'ailleurs jugé que la protection de l’identité des informateurs relevait du "secret professionnel" des enquêteurs. Ces derniers ne sont donc pas tenus de dévoiler l'information à un juge.

Car les indics sont un maillon essentiel des enquêtes. "Dans 99% des enquêtes de stupéfiants, sans informateur, pas d'affaires", assure Nicolas Hédin, le patron du Bureau central des sources.

Un tuyau contre un (ou plusieurs) billet

Les indics sont-ils rémunérés ? Seuls les informateurs professionnels reçoivent donc de l'argent pour leurs tuyaux. Ils sont tous payés en liquide.

Il n'existe pas de grille officielle mais d'après Christophe Cornevin, chaque type d'info a un prix plus ou moins établi. Ainsi dans la police "la dénonciation d'un étranger en situation irrégulière est facturée aux alentours de 50 euros, l'adresse d'un atelier de couture chinois est estimée à 300 euros". Les prix s'envolent en revanche pour les informations sur les gros trafics, jusqu'à plusieurs dizaines de milliers d'euros si le tuyau concerne un réseau d'ampleur internationale.

Dans la gendarmerie, "la mise de base est fixée autour de 100 euros". Mais là encore, les informations qui débouchent sur le démantèlement de gros réseaux se monnaient beaucoup plus cher.

Chez les douaniers, la RGPP de 2007 a mis un coup d'arrêt à l'envolée du "cours" de l'info. Les indics ne peuvent plus recevoir normalement plus de 3.100 euros. Exception faite des "gros coups" pour lesquels les douaniers "travaillent sur devis", a expliqué l'un d'eux à Christophe Cornevin. Le montant sera alors fonction de l'info mais aussi du risque encouru par l'indic.