Elle poursuit le directeur de la prison où son fils est mort

L'ex-directeur de la prison de Nancy est jugé vendredi pour le meurtre d'un homme par son co-détenu.
L'ex-directeur de la prison de Nancy est jugé vendredi pour le meurtre d'un homme par son co-détenu. © MAXPPP
  • Copié
avec Chloé Triomphe et AFP , modifié à
TÉMOIGNAGE- L'ex-directeur de la prison de Nancy est jugé vendredi pour le meurtre d'un homme par son co-détenu.

L'actu. Son fils s'appelait Johnny, comme Johnny Hallyday. Il était blond aux yeux bleus, comme Johnny Hallyday. Johnny est mort en août 2004 en prison, tué par son co-détenu. Depuis neuf ans, Liliane, sa mère, se bat pour faire reconnaître la responsabilité du directeur de la prison dans cette affaire. Stéphane Scotto, qui dirigeait alors la maison d'arrêt de Nancy, est jugé vendredi pour homicide involontaire.

Tué par son co-détenu. Le drame remonte au 24 août 2004. Ce jour-là, Johnny Agasucci, 25 ans, en détention provisoire à Nancy dans l'attente de son procès pour trafic de stupéfiants, est violemment agressé par l'un de ses deux compagnons de cellule, qui purge alors une peine pour des actes de torture et de barbarie commis quatre ans plus tôt. Sébastien Simonet l'étrangle à mains nues, puis lui donne "des coups de pied dans les parties génitales et le ventre, ainsi que des coups de coude dans le dos", selon les constatations des enquêteurs.

Une longue procédure. La famille de la victime dépose rapidement plainte contre le directeur de la prison, qui est finalement mis en examen. Mais la procédure a connu de nombreux rebondissements : Stéphane Scotto a d'abord bénéficié d'un non-lieu, avant de voir cette décision annulée, et enfin d'être renvoyé devant le tribunal correctionnel, malgré l'avis contraire du parquet.

"Un profil particulier de dangerosité". Il est notamment reproché à l'ancien chef d'établissement de ne pas avoir cherché à placer en cellule individuelle un détenu connu pour sa dangerosité, ou à défaut, de porter "une vigilance particulière à l'équilibre de la cellule, notamment au nombre d'occupants et à la personnalité de ceux-ci", afin de prévenir tout risque de violence, selon la chambre de l'instruction. Le meurtrier "présentait un profil particulier de dangerosité, son parcours pénitentiaire au sein de plusieurs maisons d'arrêt étant émaillé d'incidents démontrant sa grande agressivité", ont notamment souligné les magistrats de la chambre de l'instruction.

Ce n'est pas un voyou". Pour Liliane, la mère de la victime, la responsabilité de l'ancien directeur ne fait aucun doute. "Soit disant, c'était surpeuplé. Je ne veux rien savoir. Il est responsable de la mort de mon fils. Je veux seulement qu'il soit puni pour ne pas avoir fait son travail correctement. Ce n'est pas un voyou, c'est un directeur. Il voulait peut-être faire mieux, mais il ne l'a pas fait", estime-t-elle sur Europe 1.

"Le débat sur le terrain juridique sera âpre". Le directeur pour sa défense invoque la surpopulation dans cette prison et la vétusté des bâtiments. Pour son avocate, "la tâche était très rude à l'époque, dans cette maison d'arrêt, aujourd'hui fermée et démolie, qui était particulièrement rustre". "Au-delà des faits, le débat sur le terrain juridique sera âpre, car l'homicide involontaire n'est pas un délit facile à caractériser et, à notre sens, les éléments constitutifs de l'infraction ne sont pas réunis", a indiqué l'avocate du prévenu, Me Marie Desmet.

"Un mouton avec un loup affamé". "C'est insensé. On ne peut pas dans un cas de figure comme celui-là prétendre qu'il n'y a aucune responsabilité à rechercher. Je pourrai schématiser la question en disant 'quelle est la responsabilité de celui qui va placer un mouton avec un loup affamé dans une cage ?'", répond de son côté l'avocat de Liliane Agasucci, Me Alain Behr.

Toujours directeur de prison. Depuis ce meurtre, Stéphane Scotto n'a fait l'objet d'aucune procédure administrative. Il dirige aujourd'hui la maison d'arrêt de Fresnes, dans le Val-de-Marne. Il encourt cinq ans d'emprisonnement pour "homicide involontaire". Quant au co-détenu de Johnny, il a été condamné en appel pour ce meurtre, en décembre 2009, à 27 ans de réclusion criminelle par la Cour d'assises de la Côte-d'Or.