Chaque jour, Vincent Hervouet traite d’un sujet international.
Viktor Orban à Berlin, le Premier ministre hongrois était reçu hier par Angela Merkel à la chancellerie. C’est la première fois en quatre ans.
Il s’appelle Viktor, son prénom est un programme. Le bagarreur aime les victoires. Hier, c’était son triomphe. Première invitation à la chancellerie depuis la grande vague des migrants. En 2015, Angela Merkel ouvrait les bras aux candidats à l’asile, mais fermait soigneusement sa porte à son voisin de Budapest. A l’époque, elle était l’impératrice d’Europe et lui le mouton noir, le populiste, le repoussoir. Il dénonçait son impérialisme moral, elle critiquait l’homme du chaos.
Hier, les rôles semblaient inversés. La chancelière est en vrac, tenue pour responsable de la résurgence d’une droite radicale, obligée de céder au chantage de ses alliés bavarois, de composer avec ses partenaires de coalition sociaux-démocrates, et toutes ces reculades ne garantissent nullement qu’elle sauvera sa couronne…
Alors qu’Orban pavoise.
Il dit que le Conseil européen de la semaine dernière a été un immense succès et il n’a pas tort, il a imposé sa ligne sur les migrants. Les quotas que voulait Angela Merkel sont enterrés. Les frontières extérieures seront renforcées. Des camps installés, et quel que soit le jargon, c’est fait pour dissuader. Hier Angela Merkel lui a fait la leçon sur l’humanisme de l’Europe, la fille de pasteur prêchait. Il ne l’a pas traitée de Tartuffe mais il a répondu que l’humanisme, c’est d’éviter les appels d’air qui font venir les migrants.
Il y a là, un enjeu moral important car l’un et l’autre prétendent agir au nom des valeurs chrétiennes de l’Europe, vous savez ces racines qui n’existent pas et qu’il ne faut pas évoquer. En tout cas, Viktor Orban peut se féliciter car l’Europe centrale a gagné son bras de fer avec Bruxelles. C’est la toute première fois depuis l’élargissement. La logique de l’intégration qui est celle de la Commission et du couple franco-allemand, a cédé devant la rébellion d’Etats nations qui redoutent par dessus tout de disparaître comme ils ont vus s’évanouir au fil de l’histoire toutes sortes d’entités, l’empire austro hongrois et l’empire ottoman, la Yougoslavie, l’union soviétique, la Tchécoslovaquie…
Est-ce qu’on peut parler d’une "orbanisation" de l’Union ?
Depuis 2015, les tenant de la ligne Orban ont presque partout gagné des élections. Robert Fico en Slovaquie, Aleksandar Vucic en Serbie, Sebastian Kurtz en Autriche, Miloz Zeman en république Tchèque, La ligue du nord allié au 5 étoiles en Italie, Janez Jansa en Slovénie. Partout le même rejet de l’immigration, des élites, de Bruxelles.
Mais en même temps, Viktor Orban est un politicien trop madré pour se laisser abuser.
Il sait bien que sa position est moins forte en Hongie qu’on ne le croit à l’extérieur. Sur l’affaire des migrants, il s’est heurté de front à Angela Merkel, dressant une clôture à la frontière et refusant les quotas. Cela concernait seulement 1294 personnes mais c’était le principe… Or il a échoué trois fois sur ce dossier. Il a fait un référendum en octobre 2016, il n’a pas obtenu le quorum. Il a recommencé devant le parlement, nouvel échec à quelques voix près. Enfin, la cour européenne de justice en septembre dernier lui a donné tort.