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Chaque jour, Vincent Hervouet traite d’un sujet international.

Le Venezuela rompt ses relations diplomatiques avec Washington. L’opposition a manifesté hier, son chef s’est proclamé président par intérim, Donald Trump l’a aussitôt reconnu.

Retenez son nom, Juan Guaido. Il a 35 ans, c’est un grand brun à l’air déterminé, député d’un quartier populaire. Un parfait inconnu, il y a deux semaines. Et puis, il a surgi à la tête de l’opposition, élu Président du Parlement. C’est un aller simple pour la prison. Juan Guaido a d’ailleurs été arrêté illico sur l’autoroute, une scène de film américain, l’intimidation en direct. La police l’a relâché au bout d’une heure. Elle a eu tort : il n’est pas intimidé.

Au contraire, il met pied au plancher. Il dénonce l’imposture de Nicolas Maduro, il appelle à des élections libres et il organise une grande manifestation, comme on n’en voyait plus à Caracas. Hier, au milieu de la foule, il a passé la cinquième. Il s’est proclamé "Président par intérim". Aussitôt reconnu comme président légitime par les pays voisins qui n’en peuvent plus du chaos vénézuélien et par les Américains. Tout cela en quinze jours, c’est une opération commando, une mise en orbite.

Cela ressemble à un putsch.

Dans les coulisses, un petit malin joue à l’arroseur arrosé.  Il y a quatre ans, l’opposition avait obtenu un raz de marée aux législatives. Le tyrannosaure de Caracas n’est pas du genre à cohabiter. Alors il a contourné le Parlement, en mettant sur pied une Assemblée constituante et en lui transférant le pouvoir législatif. Les opposants se sont égosillés, en vain. Il leur a dénié toute autorité. Ensuite, il s’est fait réélire, en empêchant ses adversaires de se présenter.

Juan Guaido lui fait à peu près la même chose. Il est président de l’Assemblée nationale. Il décrète donc qu’il est le représentant légitime du peuple, il contourne Maduro. Il lui dénie tout pouvoir. C’est bien un putsch, mais sans uniforme.

On dit que l’armée est la seule institution encore debout au Venezuela.

Et encore, il y a une mutinerie tous les six mois, la dernière c’était lundi. Les purges sont permanentes, Nicolas Maduro s’en méfie. Juan Guaido a promis l’amnistie aux militaires, ce qui est une façon de leur dire qu’ils auront des comptes à rendre s’ils continuent à soutenir le régime. Les casernes sont un radeau au milieu du naufrage. L’inflation devrait atteindre 10 millions pour cent en 2019. Il y a pénurie de tout, pas seulement de libertés. Quatre hôpitaux sur cinq n’ont plus l’eau courante.

Cinq millions de Vénézuéliens se préparent à prendre les routes de l’exil, 2,5 millions de leurs compatriotes les ont précédés, faisant tanguer les pays voisins. Un  désastre humanitaire jamais vu en Amérique latine. Tout cela dans un émirat pétrolier. C’est Ubu au pays de l’or noir. Ubu ce matin, dos au mur.