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Chaque matin, Vincent Hervouët nous livre son regard sur l'actualité internationale. Ce vendredi, il revient sur les bombardements à Kiev dans la nuit de mercredi à jeudi.

Des explosions la nuit dernière à Kiev touchée par des tirs de missiles. Le président ukrainien n’a pas dormi. Il s’est adressé de nouveau à ses compatriotes. Il mesure leur solitude.

Des groupes de saboteurs seraient infiltrés dans Kiev, c’est le président Zelensky qui sonne le tocsin. Les Russes se sont introduits chez lui avec la volonté affichée de lui faire la peau. Il est la cible numéro 1. Sa famille la cible numéro 2. Il le dit simplement, il fait front. C’est le rôle de sa vie et l’acteur le tient avec un courage qui force le respect. Mais il voit aussi des saboteurs en Europe : il dénonce la solitude dans laquelle on le laisse face au corps expéditionnaire russe. Il est amer : personne ne donnera à l’Ukraine la garantie d’une adhésion à l’Otan. Tout le monde a peur. Il a raison évidemment. Et le monde a bien raison d’avoir peur. Le Kremlin vient de faire basculer l’ordre international ou le désordre établi. Vladimir Poutine a créé un précédent, d’autres s’empresseront de l’imiter. La planète ne manque pas de frontières injustes à rectifier par la force. Nous sommes entrés hier dans une époque plus dangereuse. Une nouvelle guerre froide s’annonce.

Est-ce que le Président ukrainien est injuste quand il dit qu’on l’abandonne ?

Il ne comprend toujours pas qu’on lui refuse l’entrée dans l’Otan. Mais l’Otan n’a jamais été un fonds de garantie contre les catastrophes géopolitiques, c’est une alliance militaire qui impose à ses membres de se battre pour défendre celui qui serait agressé et il n’est pas envisageable d’y intégrer un pays en guerre, un pays occupé, un pays avec un conflit gelé. Il fallait le régler avant. Il fallait d’abord trouver les moyens de régler la question de la Crimée, c’est-à-dire se résigner à l’abandonner et aller au bout du processus de Minsk pour imaginer intégrer un jour l’Alliance atlantique. Ceux qui ont laissé croire aux Ukrainiens le contraire sont des pousse au crime. Pour le reste, la batterie de sanctions imaginée hier soir par les Européens et les Américains pour punir le Kremlin est dure. On voit renaitre l’Occident, qu’on avait perdu de vue depuis trente ans. Le Kremlin aura restauré l’occident et ressuscité l’Otan. Joe Biden jure de faire de la Russie un paria sur la scène internationale. A-t-il jamais fait autre chose ? L’an dernier, il traitait déjà Vladimir Poutine d’assassin. Mais ce soir le vote au conseil de sécurité va manifester cet isolement de la Russie : elle mettra son véto aux sanctions mais elle sera sans doute la seule, alors que les 14 autres membres du conseil voteront pour. Joe Biden dit aussi que ces représailles économiques, qui vont tarir les flux financiers, empêcher la Russie d’emprunter, interdire les importations de produits technologiques et contraindre les oligarques à rester chez eux, dépassent tout ce qui a jamais été fait. C’est un pieux mensonge.

L’arme fatale n’a pas été dégainée, la Russie n’est pas coupée du réseau Swift et rien n’est fait pour empêcher les exportations de pétrole et de gaz…

Ce sont les deux vraies mesures qui auraient vraiment gêné le Kremlin. Elles ont déjà été employées : contre l’Iran que l’Amérique voulait alors renvoyer à l'âge de pierre. Joe Biden a rejeté la responsabilité sur les Européens. C’est vrai. Dans le chœur unanime des pleureuses et des indignés qui s’est réuni hier soir à Bruxelles et qui à l’unisson de Josef Borell parlait des heures les plus sombres depuis la seconde guerre mondiale, l’Allemagne, l’Italie, la Hongrie, Chypre, le Luxembourg, la Lettonie ont refusé de couper Swift ou de se priver de gaz. Le chancelier Sholz a expliqué qu’il fallait utiliser les sanctions préparées ces dernières semaines mais garder le reste pour une situation où il serait nécessaire de faire autre chose… On se demande vraiment à quoi il pense, ce qu’il attend.  Peut-être à l’arrestation, au jugement et à la déportation de Volodymyr Zelensky et de sa famille ? Le conseil européen extraordinaire était une réunion de famille selon les termes de l'Élysée. Ce genre de réunion qui suit les enterrements. Les obsèques de l’Ukraine souveraine. Et aussi de l’Europe qui a renoncé à être une puissance mais ne parvient même pas à être un peu crédible.