Chaque jour, Vincent Hervouet traite d’un sujet international.
Les autorités chinoises reconnaissent l’existence de camps où sont rééduqués les musulmans ouighours.
Le camarade Shohrat Zakir est le président du Xinjiang, le farwest chinois. C’est un Ouïghour, une minorité d’origine turque, donc des Chinois très suspects, qui regardent vers la Mecque ou vers Istanbul autant que vers Pékin.
Le camarade président est un vrai Ouïghour puisqu’il a passé deux ans en rééducation. C’était à l’époque de la révolution culturelle, il était fils et petit-fils de communiste, on l’a envoyé aux champs.
Il faut croire que l’adolescent a bien supporté ce lavage de cerveau, puisque devenu à son tour un apparatchik et même le premier d’entre eux, il s’est réjoui hier d’envoyer les Ouïghours en camp de rééducation.
C’est un aveu sans précédent.
Depuis des années, les autorités chinoises démentaient l’existence d’un goulag pour les Musulmans. Avec cet entêtement à nier le réel qui fait la force des communistes, les dirigeants réfutaient les photos satellites, avec les deux rangées de barbelés et les miradors, les appels d’offres sur internet, les témoignages des rescapés. Toute une population vit dans la terreur d’y être un matin envoyée, mais hier encore, les camps n’existaient pas. Longue vie au camarade Zakir, on peut maintenant en parler sans être un chien d’impérialiste. On peut et même on doit. Car il est fier de ces établissements de formation professionnelle où le parti donne au Ouighour des cours de cuisine, couture, coiffure, lui apprend à parler le mandarin et à penser chinois. C’est le club Med avec toutes les activités obligatoires. Ainsi les stagiaires, c’est comme cela qu’il les appelle, sont capables de réfléchir à leurs erreurs et de voir le caractère néfaste du terrorisme. La télé publique a montré hier un camp modèle, un clip de propagande beau comme les moissonneuses batteuses en batterie dans les champs de l’Oural à l’époque stalinienne.
La réalité est plus sombre.
Refuser de boire de l’alcool, téléphoner à l’étranger, faire sa prière, le moindre signe de déloyauté vous expédie en camp sans autre forme de procès. Et si vous avez des enfants, ils partent en orphelinat.
On estime au doigt mouillé à un million le nombre de Ouighours internés. La plupart des hommes entre 20 et 50 ans y sont ou y ont été enfermés. Ils doivent renier leur religion, remercier Wi Jin Ping à tous les repas, dénoncer leurs voisins. Les conditions matérielles sont sordides. Au Xinjiang, il fait 50° l’été, moins 30 l’hiver.
C’est la guerre au terrorisme, version chinoise. Faire du farwest une prison. Et traiter tout un peuple en suspect car il y a eu des émeutes, des djihadistes en Syrie, des attentats meurtriers de Daech et d’Al Qaida.
Il faut souvent purifier les pensées du peuple. Autrement, elles dévient, il s’égare le peuple. Et pour lui inculquer l’amour du parti, il n’y a rien de mieux qu’un camp.