Chaque jour, Vincent Hervouet traite d’un sujet international.
En Syrie, l’armée régulière mène une nouvelle offensive au sud.
Il y a des tas de guerres oubliées, oubliées même parfois des militaires censées les gagner. Avec la Syrie, le plus fascinant, c’est la vitesse à laquelle elle s’est fait oublier.
C’est l’amnésie des Européens. On n’y pense plus, après en avoir été obsédé : sept ans de malheur au JT. Il y a encore quelques mois, Emmanuel Macron aurait carillonné avec le Pape hier, le ministre Le Drian aurait fait un point hebdo ce matin au conseil des ministres, le Conseil européen demain aurait raboté quelques vœux pieux en langue de bois. C’est fini, silence de cimetière.
Les médias regardent ailleurs et les politiques évitent de se regarder dans la glace. Peu de dépêches, plus de reportages et le flux des vidéos s’est tari dans les agences.
Daech a perdu, Bachar a tenu. Affaire classée. Sauf que c’est pas vrai. La guerre continue. Les guerres.
Une bataille est en cours, autour de Deraa.
L’armée mène l’assaut contre Hayat Tarhir Al sham, l’ancien groupe Al Nosra. Elle avance rapidement. Hier, dans la nuit, deux bourgades sont tombées, Deraa est désormais assiégée. C’est là que la révolte a commencé, en 2012. C’est fief des frères musulmans. Le régime ne pardonnera jamais. On comptait hier 45 000 civils sur les routes. Ils tentent d’échapper au piège.
Bachar el Assad tient sa revanche.
Il plastronne. Jure qu’il se passera des Européens pour reconstruire. Il reconstitue son domaine : après la Ghouta, Deraa. Après Deraa, bientôt Idlib, où se sont repliés tous les barbus chassés d’Alep, de Raqqa, de la Ghouta, c’est la république de Salo ou Sigmaringen, dernière escale des vaincus en cavale. La reconquête avance, et du coup, les palabres aussi à Genève pour une assemblée Constituante.
Les Occidentaux laissent faire ?
Il y a un an, les Etats Unis ont signé un accord de désescalade avec les Russes et les Jordaniens pour geler la situation à Deraa. Quand l’armée syrienne a fait mouvement, les Américains ont fait les gros yeux. Et puis samedi, ils ont avoué aux rebelles qu’ils n’interviendraient pas. Aussitôt Moscou a fait décoller ses bombardiers. Cela fait un an qu’on ne les avait pas vus. Reste un autre acteur capable de brouiller le jeu, Israël. Qui campe sur le Golan, comme au balcon. Qui surveille ce qui se passe à ses pieds. Pas question que les Iraniens y amènent leur artillerie. C’est ainsi que les barbus de Deraa sont armés et soignés par les Israéliens qu’ils détestent et pour lesquels ils vont maintenant se battre jusqu’au dernier. Quand les guerres durent trop longtemps, on oublie pour qui et pourquoi on se bat.