Chaque jour, Vincent Hervouet traite d’un sujet international.
En Russie, l’historien du goulag, inculpé pour violences sexuelles.
Iouri Dmitriev a consacré sa vie à documenter la déportation dans sa région, la Carélie, près de la Finlande. A rendre un nom à 40 000 victimes de la terreur stalinienne. Il a mis à jour un charnier, avec 9 000 frontaliers, tous exécutés le visage collé au sol, une balle dans la nuque.Ça s’appelle Sandormokh, c’est le Katyn de la Carélie.
Dmitriev a pris cette tragédie tellement à cœur qu’il a la tête d’un refuznik, d’un pope, d’un dissident soviétique.
Désormais, en plus, il connaît le même sort.
Il vient de passer un an en prison.
Accusé d’avoir sur son ordinateur des images pédopornographiques de sa fille adoptive. Le procès a démontré que l’accusation était ridicule, il a fallu l’acquitter.
Depuis trois mois, le Parquet cherche à se venger. Mercredi, Dmitriev a de nouveau été arrêté. Et hier, inculpé de violences sexuelles. La grand-mère de l’enfant adopté témoigne désormais contre lui.
Personne n’y croit, mais quelle importance ? Comme au temps des soviets, la police secrète est prête à tout, les juges qui s’acharnent, la presse aux ordres… Pour discréditer un suspect, ils montent des "kompromat".
Ça veut dire quoi ?
C’est la traduction de "matériel compromettant". Autrefois, des films avec des caméras cachés pour piéger les étrangers avec des prostituées. Ensuite, le Kgb les menait à la braguette. Un ambassadeur français en a été victime. De Gaulle l’a accueilli à l’Elysée en lui disant, "Alors, on couche ?".
La rumeur veut que Donald Trump en ait été lui aussi victime. Il dément. Vladimir Poutine lui-même a démenti. Personne n’a vu cette vidéo. Les sexe-tape ne suffisent plus à déshonorer les Occidentaux. L’argent est plus efficace pour susciter l’indignation. Un costume bien taillé ruine une carrière, mieux qu’une partie de jambes en l’air.
Avec les Russes, ca marche encore. Les services ne font même pas de chantage. Ils diffusent les images sur internet. Les lanceurs d’alerte prennent le relais. Ca salit, ça détruit, ça discrédite.
Iouri Dimitriev n’est pas discrédité, il est détenu.
La presse a tout fait pour le décrédibiliser. Ensuite, la justice a pris le relais. Le régime a deux raisons de s’acharner contre Dmitriev. Il dénigre la nation, en rappelant les crimes de masse de Staline. Écraser cet Antigone, démontre que la vie d’un Russe ne vaut rien, pas un kopek. Celle des millions de victimes du goulag, trois fois rien.
Et c’est encore mieux de le démontrer alors que le monde entier a les yeux rivés sur Moscou, grâce au foot et se tait.