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Les prisons françaises sont surpeuplées. Et si elles se sont un peu vidées pendant le premier confinement pour des raisons sanitaires, la tendance s’est déjà inversée. Dans le quatorzième épisode du podcast "Les Éclaireurs", Matthieu Belliard prend le temps d’interroger la magistrate et ancienne contrôleure générale des lieux de privation de liberté, Adeline Hazan, sur l'utilité même des prisons. Elle explique qu'il serait utopique de supprimer les centres de détention mais que trouver des solutions alternatives à l'enfermement permettrait d’augmenter la sécurité pour l’ensemble de la société.

En mai dernier, le nombre de détenus en France est passé sous la barre des 60.000. Cette baisse historique s'explique par le contexte sanitaire. Avec la crise du coronavirus, des libérations avaient été autorisées par peur des clusters. Mais depuis, les prisons retrouvent leurs mauvaises habitudes, les chiffres remontent. Aujourd'hui, la majorité des prisons sont surpeuplées à 140%, avec des pics à 200%. 500 détenus dorment même sur un matelas par terre. Et les Français connaissent toujours aussi mal la prison… Alors à quoi sert-elle ? Comment le regard des Français sur les détenus a-t-il évolué ? Et faut-il abolir la prison telle qu'elle existe aujourd'hui ? 

Dans le quatorzième épisode du podcast "Les Éclaireurs", Matthieu Belliard prend une nouvelle fois le temps d’écouter le monde changer. Avec son invitée Adeline Hazan, magistrate, ancienne contrôleure générale des lieux de privation de liberté, auteure de "La prison, alpha et oméga de la punition" (Editions de L'Aube), le présentateur de la matinale se penche sur le rôle de la prison, sur les fantasmes qu'elle suscite et sur les solutions qui permettraient à la fois d'améliorer les conditions de détention et dans le même temps de renforcer la sécurité dans le pays. 

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Trois idées à retenir pour prendre le temps d’écouter le monde changer

Les Français veulent de plus en plus de sanctions, de punitions. (à écouter à partir de 27 secondes). "Il fût un temps où la prison était une façon de sortir les personnes de la société et de les enfermer dans ce que Michel Foucault appelait la ‘chambre noire de la légalité’. On ne les voyait pas, on les mettait à l'écart et surtout, la société les considérait presque comme des déchets", rappelle l'ancienne contrôleure générale des lieux de privation de liberté. "Et puis, la société a évolué. Après la Deuxième Guerre mondiale, il y a eu un certain nombre de réformes importantes. Pour la première fois dans l'Histoire française, on parle d'objectif de ‘réinsertion’ pour les détenus (...) c'était un grand pas en avant. Ça a duré pendant des décennies. Malheureusement, depuis 2007-2008, on est dans un mouvement complètement inverse. On est dans une acceptation moindre par l'opinion publique de la transgression de la loi et une demande de plus en plus forte de sécurité". 

En réinsérant mieux les détenus, on renforcerait la sécurité ! (à partir de 3'23 ). "L'objectif de la prison, c'est de sanctionner bien sûr, mais surtout de réinsérer la personne en lui donnant plus de chance à sa sortie qu'elle n'en avait à l'entrée", estime Adeline Hazan. "On peut trouver ça angélique. Mais je pense que c'est à la fois la dignité de la société que de réagir comme cela et c'est aussi une mesure de sécurité pour la société. De très nombreuses études ont prouvé que ‘les sorties sèches’, c'est-à-dire sans préparation, sans suivi, augmentent considérablement les risques de récidive. Donc, plus un détenu sera préparé, plus il aura appris un métier, plus il aura gardé de contact avec sa famille, et bien mieux il sera inséré à la sortie. Moins les risques de récidives seront grands, plus la société sera protégée". 

Supprimer totalement la prison reste une utopie (à partir de 17'19).  "Je pense que ça serait formidable dans une société idéale, d'abolir les prisons. Malheureusement, on ne peut pas abolir totalement la prison", estime la magistrate. Selon elle, la peine de prison reste nécessaire quand toutes les autres options n'ont pas fonctionné. "Mais je pense qu'il faut changer les prisons, changer la façon dont les magistrats utilisent la prison. Pour cela, il faut leur donner les moyens de le faire. Et puis bien sûr, il faut changer le regard des citoyens sur la prison".

 

Références

La prison, alpha et oméga de la punition ? (Editions L’Aube) 

Folsom prison blues, Johnny Cash 

 

"Les Éclaireurs" est un podcast Europe 1 studio

Présentation : Matthieu Belliard

Programmation : Juliette Bergé

Réalisation : Xavier Jolly

Cheffe de projet édito : Fannie Rascle

Diffusion et édition : Clémence Olivier

Graphisme : Karelle Villais

Direction d'Europe 1 Studio : Olivier Lendresse