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Tous les samedis et dimanches, Vanessa Zhâ et Marion Sauveur nous font découvrir quelques pépites du patrimoine français. Aujourd'hui, direction les Alpes, entre Chambéry et Grenoble, pour se promener au coeur du Massif de la Chartreuse et découvrir ses spécialités. 

Ça sent bon l’automne dans le studio, direction les forêts des Alpes. On se pose dans le Massif de la Chartreuse.

Entre Chambéry et Grenoble, à cheval entre l’Isère et la Savoie. Ce massif est une enclave de nature, bien préservée. Ce qui lui donne une âme assez particulière que l'on touche du doigt quand on parcourt la Route des savoir-faire. A chaque étape, vous rencontrez un ambassadeur du massif, cela peut être dans un site culturel, un atelier d’artisan ou même chez un agriculteur.

Ce que j’aime bien dans cette route, c’est que c’est aussi un coup de projecteur sur des métiers traditionnels, comme le bûcheronnage par exemple. Vous pouvez même faire un atelier "vis ma vie de bûcheron" pour découvrir le travail de ces hommes qui travaillent le Bois de chartreuse, le premier AOC Bois de France. Bois qui a participé à la construction d’un bijou du Patrimoine, la Casamaures !

Ça sonne oriental, qu’est ce que c’est que ça ?

Un petit palais des mille et une nuit. C’est un couple de grenoblois qui décide au 19e siècle, en pleine mode orientaliste, de se faire construire un palais néo-mauresque tout petit sur quatre étages. Donc tout est reproduit dans les formes, les couleurs, avec un beau bleu outre-mer, mais made in France, comme l’explique Christiane Guichard, la conservatrice.

"Ce sont les artisans grenoblois qui vont faire du moulage, qui vont créer, qui vont décorer. Ils vont prendre leur pinceaux, sculpter des bois, mais ils prennent des matériaux grenoblois : le ciment qui est sous la bastide, le bois de la Chartreuse, les pigments, la peinture... Et ils arrivent à faire comme un grand décor et un hommage qui invite au voyage."

Et ce voyage, vous êtes obligés de le faire ! Il vous embarque dès la porte d’entrée, vous traversez des jardins exotiques, avant d’arriver au jardin d’hiver, au cœur de la villa. Elle est classée d’ailleurs monument historique, elle fait partie de notre patrimoine. Ce n'est pas pour rien qu’elle était dans la liste du loto de Stéphane Bern en 2019. Et c’est encore aux artisans du massif que l’on doit cette restauration.

Et dites-nous le Massif de la Chartreuse a bien un lien avec la Chartreuse, la fameuse liqueur ?

Dont la recette est toujours gardée secrète par les moines de La Grande Chartreuse ? Et bien oui, la seule chose que l'on sache, c’est qu’elle contient 130 plantes. Alors le monastère ne se visite pas. Par contre, vous pouvez faire un tour au Musée de la Grande Chartreuse, pour en savoir plus sur la vie des moines et la fameuse liqueur. Si vous voulez en savoir plus sur la fabrication et même participer à un atelier cocktails, vous poussez les portes des Caves de la Chartreuse à Voiron.

Une adresse ?

"Le chant de l’eau" au Sappey-en-Chartreuse, en plein coeur du Parc Naturel Régional de la Chartreuse, que Stendhal appelait l’émeraude des Alpes. C'est un gite très confort dans une ancienne grange de caractère restaurée. Cela donne un petit côté Heidi ressourçant.

Marion Sauveur, on passe à table avec vous. Vous nous avez dégoté quoi, une spécialité à base de Chartreuse ? 

Vous n’êtes pas si loin, une gourmandise à base de Chartreuse. Un bonbon de chocolat, celui que vous trouverez dans la boutique du Monastère de la Grande-Chartreuse. Il est fabriqué tout près de là, dans une institution de la région : la Maison Bonnat. On ne peut pas aller dans le Massif de la Chartreuse sans passer par cette pâtisserie - chocolaterie - confiserie à Voiron,le pays de la gourmandise et du savoir-faire. 

Depuis quand déguste-t-on ce chocolat à la Chartreuse ?

Depuis près d’un siècle et demi ! La famille était à l’origine implantée au Pays basque espagnol. Ils étaient des liquoristes et des distributeurs de cacao. A l’époque, on ne croque pas dans le chocolat, il est dur et astringent. On l’utilise surtout en boisson, avec beaucoup d’épices pour adoucir son goût. Jusqu’à ce que Monsieur Lindt découvre en 1879 comment obtenir un chocolat fluide et sans acidité. Et il crée le premier palet de chocolat noir. 

Félix Bonnat, dans les années 1880, va investir dans des machines pour créer des bonbons de chocolat, longue conservation. A l’époque, on les expédie dans tous les comptoirs des colonies françaises. Et parmi ces bonbons : la “Chartreuse”, un chocolat en forme de navette, à la fameuse liqueur et enrobée d’un mélange de cacaos. Ce n’est pas un hasard : il était liquoriste. 

Autre bonbon de chocolat qui apparaît à la fin du 19e siècle : la krugette. Et vous le connaissez bien sans le savoir. Stéphane Bonnat, qui dirige la maison, raconte comment est né ce chocolat. “Mon arrière-grand-père était un ami de Monsieur Krug, du champagne du même nom. Alors on ne sait pas si c’est monsieur Krug ou sa femme qui a dit qu’elle adorait l’orange et le chocolat. Il a donc décidé de se pencher sur la question. Il a proposé deux bonbons de chocolat. Le premier c’est une peau d’orange confite, taillée en lamelles enrobée d’un chocolat à 65% de cacao. Et le deuxième, c’était un orgeat haché dans du sucre battu également enrobé de chocolat. Elle a choisi le premier. Et ce chocolat a donc été appelé Krugette”.  

Ce sont des orangettes ! 

Et on peut faire ces krugettes à la maison ?  

Oui, il faut un peu de patience et utiliser des fruits à peau épaisse non traités. On commence par retirer les écorces des oranges avec un bon couteau ou un économe. Il ne faut pas emmener avec l’écorce le ziste, cette peau blanche qui va apporter de l’amertume. Ensuite il faut confire les écorces avec de l’eau et du sucre. Ça va prendre trois jours. Il faudra rajouter du sucre et du sirop de glucose au fur et à mesure.  Après les avoir laissées égoutter, on plonge les écorces d’oranges confites dans le chocolat tempéré. Cette recette, et beaucoup d’autres, vous pourrez la découvrir dans le livre qui s'intitule Chocolat de Stéphane Bonnat et Julien Bouré. Cet ouvrage sort samedi prochain aux éditions La maison.  

La recette des Krugettes (les orangettes) extrait du livre "Chocolat", écrit par Julien Bouré et Stéphane Bonnat

Ingrédients 

  • 500 g d’écorces d’oranges 
  • 300 g d’eau 
  • 200 g de sucre
  • sucre en quantité suffisante 
  • sirop de glucose en Quantité Suffisante 
  • 100 g de chocolat tempéré

Préparation 

1. Prélevez les écorces d’oranges en prenant soin de retirer les peaux blanches. Lavez les écorces pendant cinq minutes.

2. Réalisez le confisage. Portez le sucre et l’eau à ébullition. Ajoutez les écorces et reportez à ébullition. Coupez le feu. Le lendemain, égouttez les orangettes, pesez le sirop obtenu et ajoutez 30 % de son poids en sucre. Remettez les orangettes dans le sirop. Portez à ébullition et coupez le feu. Renouvelez deux fois l’opération. Le troisième jour, ajoutez 30 % du poids du sirop en sirop de glucose. 

3. Terminez les krugettes. Laissez refroidir une nuit minimum et égouttez les krugettes plusieurs heures sur une grille. À l’aide d’une fourchette à tremper, plongez les krugettes dans le chocolat tempéré et déposez-les sur une feuille de papier sulfurisé. Laissez les sécher et dégustez !

Astuce pour tempérer le chocolat : Il faut le chauffer à 50 degrés avant de le laisser redescendre à 28 degrés. Au moment de tremper les écorces, faites chauffer de nouveau le chocolat à 32 degrés. Vous aurez des krugettes bien brillantes. 

Krugettes - Jean-Marie Del Moral _ livre Chocolat_éditions La Maison

© ©Jean-Marie Del Moral _ livre Chocolat_éditions La Maison

D'autres spécialités à découvrir si l’on passe chez Bonnat à Voiron ?  

Le praliné à la Française. Il a été créé par Félix Bonnat, qui au lieu d’incorporer des fruits secs dans du caramel pour réaliser son praliné, a eu l’idée de les torréfier avant ensuite de les broyer, avec du sucre cru et du sucre cuit pendant le broyage, ce qui permet d’obtenir un goût plus fin des amandes et des noisettes. Et ce praliné à la française on peut le déguster notamment dans Le pavé de Voiron. Deux pralinés : un aux noisettes et l’autre aux amandes. C'est le produit gourmand de la maison par excellence, une merveille. 

Deux gâteaux de voyage à découvrir également : le Plum Cake et le Pralin Sport. Le Plum Cake, c’est un cake aux fruits confits et imbibé d’un sirop au rhum. Le Pralin Sport a été créé en 1924 pour les touristes qui viennent s’adonner aux sports d’hiver. C'est très énergétique. 

Enfin n'oubliez pas les chocolats noir Grands crus de cacao, créés en 1984, par Raymond Bonnat, le père de Stéphane. Il a été le premier à sortir des tablettes de "grands crus", à base de fèves d'origine pure et garantie, comme pour les cépages pour le vin.