Harriet Tubman, espionne et rebelle dans les champs de coton

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Qui était Harriet Tubman, la première femme noire à figurer sur un billet américain ?

Un fouet qui déchire la peau d’une petite fille, la douleur insupportable. On voit, à peine, son sang couler sur sa peau toute noire. Cette petite fille, convulsée sur le parquet parfaitement ciré d’une grande maison blanche, s’appelle  Minty. Elle a 6 ans. Sa maitresse vient de la punir parce qu’elle a laissé pleurer le bébé de la famille. "Une petite négresse incapable, une mauvaise nounou, une mauvaise affaire."

Une petite esclave en location-vente à 1$ la semaine...Sa maîtresse la renverra dans sa plantation d’origine et se fera rembourser sa caution. Ces traces de fouet, ces boursouflures grises sur sa peau noire, Minty les gardera jusqu’à sa mort. Araminta Ross, dite Minty, qui, très tôt, se fera appeler Harriet, le prénom de sa maman, morte d’épuisement dans la plantation de coton ou travaille la famille Ross. 

Une cahutte au bord des champs de coton, à côté des chenils et des écuries. Quand Minty revient chez elle, deux de ses sœurs ont disparu. Louées, comme elle, ou vendues par son maître à d’autres maîtres. Elle ne les reverra jamais plus.

Entre deux rangées de saloons et de bordels, le premier chemin de fer américain est lancé entre Baltimore et la rivière Ohio. La guerre de sécession couve... Dans les champs, d’étranges mélopées montent vers le ciel, mais le Blues n’est pas encore né.

1844, Minty a 22 ans. Elle épouse un affranchi : John Tub­man. Lui est libre, mais pas elle. Son maître refuse de la laisser partir. Minty Ross, devenue Harriet Tubman, reste une esclave. Dans sa tête, elle commence à tirer sur ses chaines. 

A l’extérieur des plantations, une organisation secrète agit la nuit tombée : "L'Underground Railroad" (Le chemin de fer souterrain) : Un réseau clandestin d’abolitionnistes, des blancs pour la plupart, qui aident les esclaves à s’enfuir. Des bienveillants, beaucoup de Quakers, des gens, qui entre eux, s’appellent amis... Des résistants, des Chrétiens, qui cachent les évadés et les aident à se réfugier dans les états libres du nord du pays et du Canada.

Minty s’enfuira une nuit de pleine lune de 1849. Près de 300 km à pied, du Maryland à la Pennsylvanie. Une aventure pleine de dangers, de sheriffs implacables et de chasseurs de primes, à la solde des planteurs, des loups solitaires qui traquent les fuyards et les ramènent souvent très esquintés à leurs propriétaires.

Pour ceux qui se font attraper en cavale, au retour, le châtiment incandescent : le fer rouge. Une seule lettre : le "R" gravé dans le dos de l’esclave, parfois sur son visage, "R" pour "runway" (fugitif), un effroyable tatouage, une brûlure à 700°.

Minty, elle, ne se fera jamais capturer. Ni en s’enfuyant de sa plantation, ni en y retournant, quelques mois plus tard, pour aller sauver une partie de sa famille. L’exfiltration des siens, puis de centaines d’autres esclaves, dans les années qui suivirent.

Minty, une petite bonne-femme d’1m57. Son courage fera sa légende. Ni peur ni hésitation, même lorsqu’elle endossera, quelques années plus tard, l’uniforme de l’armée nordiste. Les tuniques bleues pour lesquelles, elle jouera les éclaireuses et les espionnes dans le sud esclavagiste.

Araminta Ross, dite Minty. Madame Harriet Tubman, la première héroïne noire de l’Amérique, qui finira sa vie en faisant des ménages. Minty a eu son timbre. Elle va désormais avoir son billet de 20 dollars. Du noir sur du vert. Un billet que certains, encore, refuseront de toucher...