Le chef d’œuvre de l’été 1667 : L’histoire de "Tartuffe" de Molière

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Pendant l'été, chaque week-end, Laure Dautriche vous raconte l'histoire d'un chef-d'œuvre qui a été créé pendant un été. Ce dimanche, "Tartuffe".

"Les chefs-d'œuvre de l'été", ce matin, vous nous racontez l’histoire de "Tartuffe" la pièce de Molière. Dont la première représentation publique a lieu en plein mois d'août 1667.

Oui, en cet été 1667, Louis XIV n'est pas à Versailles, il est à la guerre. La voie est libre. Molière présente la deuxième version de sa pièce "Tartuffe". La première version a été remaniée, considérée comme une injure à la religion. Tartuffe incarnait le personnage d’un faux-dévot. En fait, cette pièce avait plu à la cour et au roi mais pas aux autorités morales et religieuses. Molière a donc apporté des changements à son texte. Pour qu'il ne puisse plus ressembler à un homme d'église, Tartuffe porte désormais les habits d'un gentilhomme avec un petit chapeau, de grands cheveux, une épée...

Molière dit que sa pièce est nouvelle, d'ailleurs il en a changé le titre : ce n'est plus "Tartuffe", mais "Panulphe". De quoi sauver les apparences, à condition de bien vouloir se laisser tromper. Car la pièce continue de montrer une image négative de la religion. Ou plutôt ce sont les excès de certains religieux qui sont pointés du doigt. Molière s'attaque à l'hypocrisie des faux-dévots, qui se servent de la religion pour séduire. Quelle audace tout de même de la part de Molière d'avoir choisi à l'époque ce type de personnage quand on sait la puissance de l'Eglise à l'époque et la suspicion d'une large partie du public pour la comédie !

En ce 5 août 1667, c'est la plus inattendue des surprises. Molière donne son "Tartuffe" devant une salle comble au Palais-Royal.

Oui, dans son théâtre du Palais-Royal et pourtant la pièce est encore interdite. S'il la fait jouer à ce moment, ce n'est pas seulement pour profiter de l'absence du roi. C'est aussi une sorte de quitte ou double tenté par Molière à un moment où son théâtre va mal, où les finances sont au plus bas. Après plusieurs échecs avec d'autres de ses pièces, il mise sur celle-ci pour se remettre en selle. En martelant tout au long de la pièce qu'il faut être vigilant vis-à-vis des faux dévots et de leur hypocrisie.

Mais une seule représentation suffit alors en ce mois d'août à raviver les tensions autour de la pièce.

Oui, en l'absence du roi, le premier président du Parlement est chargé de la police de Paris. Sa mission est de faire respecter l'interdiction royale. Les affiches sont déchirées, des gardes sont postés aux portes du théâtre. Quelques jours plus tard, l'archevêque de Paris se prononce à son tour : il est interdit de jouer cette pièce ou même d'y assister, sous peine d'être excommunié. Molière a donc contre lui la police et l'Eglise. Début septembre, le roi est de retour. Difficile, même pour Louis XIV, de passer au-dessus de l'archevêque de Paris. Molière devra attendre un an et demi pour obtenir enfin l'autorisation de jouer "Tartuffe". Désormais appelé "Tartuffe ou l’Imposteur", et cette pièce connaîtra un immense succès de la part du public.

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