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Ce lundi, Virginie Phulpin s'emporte contre le projet de douze grands clubs européens de football, qui ont décidé de monter officiellement leur Super Ligue fermée pour concurrencer la Ligue des Champions. "Restez juste entre vous et partagez-vous ce gros gâteau indigeste", lance-t-elle.

C’est l’édito sport de Virginie Phulpin. L’Europe du football est en émoi. Douze des plus grands clubs ont officialisé dimanche soir la création d’une Super Ligue pour concurrencer la Ligue des Champions. Pour vous, le football arrive au bout de la logique du non-sens.   

Séisme, bombe, guerre, sécession. Voilà les mots qui qualifient l’acte de naissance de cette Super Ligue européenne si mal nommée. C’est vrai que c’est exactement ce dont on avait besoin en ce moment. Cette ligue fermée a déjà une notion d’Europe rabougrie, avec ses clubs venus des seules Angleterre, Italie et Espagne. Trois autres devraient rejoindre ces douze fraudeurs plus avides d’argent que de sensations sportives. Et chaque année, cinq autres clubs seraient généreusement invités à la table des puissants comme à un dîner de cons sur tapis vert.

Je vous en prie, enlevez ce vernis craquelé de bonne conscience, restez juste entre vous et partagez-vous ce gros gâteau indigeste. On n’en veut pas ! Vous y avez enlevé tous les ingrédients qui rendent le football si succulent. Les incertitudes, les surprises possibles, le mérite sportif, la rareté des affiches de gala, le droit de rêver, finalement. On dirait une galette des rois sans fève, votre ligue aussi fermée que vos esprits étroits.

On a bien compris, ça n’est pas le football qui vous intéresse. C’est ce qu’il rapporte. A l’heure où tant de clubs amateurs luttent pour leur survie, à l’heure où les supporters s’accrochent à leur passion sans pouvoir aller au stade, vous leur plantez un couteau dans le dos en leur montrant bien que leurs problèmes vous indiffèrent. Ca n’est pas une sécession, c’est la négation même du football, cette ligue fermée.   

Cette Super Ligue n’est pas encore en place, il y a beaucoup d’oppositions.   

C’est là où ça devient presque drôle. L’UEFA qualifie de "cynique" le projet des douze grands clubs. Devoir se raccrocher à l’instance européenne qui joue les parangons de vertu face à l’avidité des riches frondeurs, je n’étais pas prête. On parle bien de l’UEFA, qui doit nous présenter aujourd’hui sa réforme de la Ligue des Champions à peu près aussi guidée par l’intérêt sportif que cette ligue fermée honnie ? Soyons honnêtes.

Ce qui gêne l’UEFA, ça n’est pas de nier le football, c’est d’avoir perdu la main, c’est de se faire couper l’herbe sous le pied par plus cynique qu’elle. Ca fait des années qu’elle cherche à remodeler la Ligue des champions pour la rendre plus rentable, des années qu’elle drague les supporters américains ou asiatiques pour mieux mondialiser son influence, des années qu’on nous vend les duels Lionel Messi - Cristiano Ronaldo comme l’essence même du football.

A tel point qu’on ne devrait même pas être étonné de voir ce projet de ligue fermée arriver à terme. On a juste préparé le terrain. Et finalement, c’est peut-être bien que la menace soit si pressante aujourd’hui. On avait sans doute besoin d’aller jusque-là pour réagir.