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Chaque dimanche, Hervé Gattegno, directeur de la rédaction du "Journal du dimanche", livre son édito sur Europe 1.

Bonjour Hervé Gattegno. La semaine a été marquée bien sûr par l’incendie de Notre-Dame de Paris. A cause de cela, le président a reporté à jeudi prochain les annonces qu’il devait faire lundi pour clore le grand débat. Est-ce que vous trouvez qu’il a raison ou qu’il entretient volontairement le suspense ?

Il a évidemment eu raison d’annuler son allocution de lundi : il ne pouvait pas parler au moment où la cathédrale brûlait. Ensuite, qu’il y ait eu une journée d’émotion et de recueillement, ça peut se comprendre. Mais dix jours, à mon avis, ça ne se justifie pas. Ou plutôt : ça se justifie par des considérations politiques, pour ne pas dire tactiques. Si je veux être aimable, je dirai qu’Emmanuel Macron n’a pas voulu interrompre trop vite un moment d’unité nationale – parce que les Français ont effectivement été émus. Si je suis cruel, je dirais qu’il a cherché à tirer parti de ce climat pour améliorer sa situation politique – et que la reconstruction qu’il a mise en chantier, c’est aussi la restauration de sa propre image, qui a été beaucoup abîmée.

Disons les choses clairement : vous êtes de ceux qui pensent que le président en a un peu trop fait en se mettant en avant depuis l’incendie de Notre-Dame ?

C’est le rôle d’un président de rassembler. Mais par principe, je trouve que les dirigeants politiques doivent en appeler à la raison plutôt qu’aux émotions. Que Notre-Dame de Paris ait brûlé, c’est dramatique, poignant – ça affecte les catholiques mais en fait tous les Français, donc c’est important. Mais c’est moins important que réformes qui sont censées sortir le pays d’une crise qui dure depuis 6 mois. Et le fait est que les divisions ont très vite ressurgi : on a entendu des polémiques absurdes sur la durée de la reconstruction, on a même critiqué les milliardaires qui vont financer la restauration – on ne les critique pas parce qu’ils sont généreux mais parce qu’ils sont riches ; c’est lamentable.

Tout cela, c’est la marque d’un pays qui cherche des occasions de se rassembler mais qui trouve toujours des raisons de se fracturer. Et face à ce problème, à cette malédiction presque, je ne crois pas qu’E. Macron en fasse trop ; je crois qu’il n’en fait pas assez.

Parmi les polémiques que vous évoquez, il y a eu aussi celle sur la fameuse flèche qui s’est effondrée ; est-ce qu’il faut la reconstruire à l’identique ou en la modifiant, en la modernisant ? vous avez un avis ?

C’est un débat qui n’est pas plus intéressant que les autres, au sens propre c’est une querelle de clocher, mais là encore très révélatrice. C’est la bataille des anciens et des modernes, ceux qui veulent aller de l’avant par principe et ceux qui regardent en arrière. En réalité, le plus sage c’est de choisir le plus esthétique ; mais l’idée d’une restauration "à l’identique" est absurde puisqu’à l’origine, la flèche de Notre-Dame n’existait pas – elle a été rajoutée au 19è siècle ! En revanche, ce qui est utile, c’est de rappeler que c’est à l’Etat et non à l’Eglise de décider puisque les cathédrales appartiennent à l’Etat, en vertu de la fameuse loi de 1905 – ce qui prouve que la laïcité n’est pas l’hostilité aux religions.

Donc oui, c’est normal de lancer un concours d’architectes – parce que c’est la règle. Et oui, c’est au président  de décider. Mais ça ne veut pas dire qu’à la fin, tout le monde sera d’accord ; ça, ce serait croire aux miracles.