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Chaque dimanche, Hervé Gattegno, directeur de la rédaction du "Journal du dimanche", livre son édito sur Europe 1.

Bonjour Hervé Gattegno. Vous revenez sur ce fameux "acte 2" du quinquennat qu’a annoncé cette semaine Edouard Philippe. D’après vous, en quoi va consister cet acte 2 ?

Si on a bien écouté le discours du Premier ministre mercredi devant les députés, cet acte 2 c’est essentiellement un changement de méthode. Il a parlé de mieux associer les élus et les citoyens aux décisions, d’être moins arrogant, moins vertical. Emmanuel Macron aussi, dans le discours qu’il a prononcé la veille, a regretté d’avoir eu parfois trop de distance avec les Français – il s’est reproché (dans une de ces formules dont il a le secret) d’avoir considéré qu’il y aurait "d’un côté les sachants, de l’autre les subissants". Donc il y a une promesse d’humilité. Mais il y aussi une promesse de continuité parce qu’il est bien clair que la politique qui est menée, elle ne changera pas.

Pourtant, on a beaucoup disserté cette semaine sur la conversion écologique d'Emmanuel Macron et d’Edouard Philippe. Vous pensez que c’est abusif de parler de conversion ?

Ça me paraît doublement inapproprié. D’abord parce qu’Emmanuel Macron a mené depuis 2 ans (notamment avec Nicolas Hulot) une politique écologique plus ambitieuse qu’aucun écologiste ne l’a jamais fait en France – je rappelle que Cécile Duflot avait même refusé d’être ministre de l’Environnement sous F. Hollande. Donc sous Macron, on ne part pas de zéro. Mais ensuite, c’est inapproprié aussi de parler de conversion parce qu’on n’a pas assez d’éléments concrets pour mesurer un vrai virage politique. Par exemple l’administration va devoir se passer du plastique mais pas les entreprises. Et puis Edouard Philippe rêve d’un "nouveau modèle économique" qui allie la croissance à l’écologie mais personne n’a compris en quoi ça pourrait consister. Donc sur ce point, dans l’acte 2, il y a des mots, mais on est loin des actes.

Et dans la relation entre le Président de la République et le Premier ministre, est-ce que quelque chose va changer dans cette nouvelle phase ?

Ça c’est possible. La crise des "gilets jaunes" a montré à Emmanuel Macron qu’il était à la fois trop enfermé et trop exposé. La réponse, c’est de laisser plus d’espace à son Premier ministre pour mettre en œuvre leur politique, et de privilégier lui le contact avec les Français. Il peut le faire d’autant plus facilement qu’Edouard Philippe n’est pas un rival pour lui, parce qu’il ne se vit pas comme un présidentiable. Et c’est aussi l’intérêt d’Emmanuel Macron parce que sa stratégie pour la suite consiste à chercher de plus en plus de ralliements à droite pour consolider sa base d’ici aux élections municipales, puis bien sûr jusqu’à la présidentielle – et pour ça, Edouard Philippe est le mieux placé.

Donc en bonne logique, leur relation devrait se clarifier et s’équilibrer. Pour reprendre les termes d’Emmanuel Macron, je dirais que le président va rester le "sachant", mais que le Premier ministre va être de moins en moins le "subissant".