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SAISON 2023 - 2024, modifié à

Stéphane Bern raconte un château du 18e siècle pas tout à fait comme les autres, un lieu peuplé de rois… du rock ! Ou la véritable histoire de Hérouville, le château rock'n'roll.
Comment ce château abandonné du 18e siècle dans le Val d’Oise est-il devenu le plus mythique des studios des années 1970 ? Quels artistes de légende s’y sont succédé ? Quelle époque révolue l’histoire de ce studio nous raconte-t-elle ?
Pour en parler, Stéphane Bern reçoit Laurent Jaoui, journaliste et auteur de "Hérouville, le château hanté du rock" (Castor Astral) et Joe Hume, animateur de "Hey Joe", tous les soirs à 21h sur Europe1.

Nous sommes en janvier 1977 dans le Val-d'Oise, bien loin de la terre natale de ces trois garçons qui débarquent, par un beau matin, du côté d’Hérouville-en-Vexin, à une petite dizaine de kilomètres de Cergy Pontoise. Les trois frères, qui sont nés du côté de l'île de Man mais qui ont grandi en Australie avant de retrouver l'Angleterre au milieu des années 60, sont célèbres, très célèbres même. Mais personne, ou presque, ne les reconnaît dans ce petit village de 500 âmes.

On ne peut pas les rater pourtant, avec leurs têtes de surfeurs et leurs cheveux blonds. Mais pas de horde de fans à signaler pour les frères Gibb, qui ont réussi l'étonnant virage musical qui les a fait passer de la pop au disco. Le rythme, les mélodies, les arrangements… Tout a changé, sauf le nom du groupe : les Bee-Gees.

Mais si les Bee-Gees sont à Hérouville, ce n'est pas pour profiter du calme et de la douceur du Val d’Oise. Ils sont là pour travailler dans le vaste studio qui se cache derrière les murs d'un château, déjà mythique dans le petit monde de la musique et du showbiz : le château de Hérouville.

C’est aussi là, dans cette immense demeure de plus de trois siècles qu’est née l'une des bandes-son les plus emblématiques des années 70, celle d'un film sur lequel tout le monde a dansé en essayant d'imiter John Travolta : Saturday Night Fever, La fièvre du samedi soir.

Un carton planétaire, qui doit beaucoup à quelques tubes de légende, à commencer par celui-ci. L’histoire retiendra que c'est bien dans le grand escalier du manoir d’Hérouville qu’est né Staying Alive, qui reste à priori le seul tube disco enregistré dans un authentique château du XVIIIe siècle. Mais l'histoire ne retiendra pas que lui.

L'acquisition du château par Michel Magne

À Hérouville, le style musical des Bee-Gees est resté une exception. Pendant quinze ans, ce ne sont pas les rois du disco mais plutôt la fine fleur du rock mondial qui s'est pressée dans les studios du château, pour s'y mélanger avec les grands noms de la chanson française. Le soir, on pouvait tomber sur Iggy Pop et David Bowie dans la cuisine, puis rejoindre Jacques Higelin ou Eddie Mitchell sur les bords de la piscine, avant d'aller serrer la main d'Elton John ou des Grateful Dead du côté du terrain de tennis.

Et comme le rock sera toujours le rock, il s'en est passé de belles dans ce lieu improbable, un lieu qui doit tout à l'homme qui a créé ces studios de légende. Son nom : Michel Magne.

Avant de devenir un véritable temple de la musique en général et du rock and roll en particulier, le manoir d’Hérouville est d'abord un château qui fêtera bientôt son 300e anniversaire puisqu'il date du règne de Louis XV, de 1740 exactement. Au fil du temps des révolutions et des changements de propriétaires, la gentilhommière aura connu bien des bouleversements, au point de servir de relais de poste au début du XIXe siècle avant d'abriter les amours romantiques de George Sand et Frédéric Chopin. On raconte même que c'est au château d’Hérouville qu'on a d'abord abrité le cœur du musicien après sa mort, ce qui vaut au manoir une solide réputation de demeure hantée.

Quoi qu'il en soit, on ne fait pas plus romanesque, et cette histoire n'est pas pour rien dans le coup de foudre que Michel Magne sent monter en 1962, alors qu'il cherche un lieu paisible à la campagne pour y travailler. À cette date, Michel Magne est déjà une référence dans le petit monde des compositeurs français. À 32 ans, on l'apprécie pour son talent comme pour son éclectisme et sa curiosité, cette curiosité qui lui permet de naviguer de la musique expérimentale à la variété en passant par la télévision. On lui doit déjà le générique d'une émission devenue mythique, Cinq colonnes à la Une.

Mais on ne s'offre pas un château comme ça, surtout quand le fantôme de Frédéric Chopin se balade dans les couloirs. L’acquisition se fait tout de même grâce à l'aide du peintre Jean-Claude Dragomir, un ami de Michel Magne qui accepte de l'acheter avec lui sur la base d'un principe simple : à chacun son aile.

Dans la sienne, au nord, Michel Magne ne tarde pas à faire aménager les combles pour créer une salle d'enregistrement dernier cri avec un piano à queue, un orgue électrique et la foule d'instruments qui lui permettent de composer. Les projets s'enchaînent alors. Entre 1962 et 1965, Michel Magne compose quelques-unes des bandes originales les plus célèbres de son époque, comme celle d’Un singe en Hiver, de Fantômas, d’Angélique, Marquise des Anges et surtout des cultissimes Tontons Flingueurs.

Une villégiature artistique

En 1965, Jean-Claude Dragomir meurt brutalement dans un accident de voiture. Une fois le choc passé, Michel Magne décide de racheter l'aile qui lui appartenait à ses héritiers. Mais il faut croire que la demeure a quelque chose de maudit parce qu'un vaste incendie ravage l’aile nord quatre ans plus tard, celle où Michel Magne travaille et celle où il stocke toutes ses archives et ses bandes magnétiques. C’est un désastre mais Michel Magne rebondit en décidant d'aménager l'aile sud.

Cette fois, il installe un vaste studio d'une centaine de mètres carrés, un lieu parfait pour faire de la musique. Avec six mètres de hauteur sous plafond, c'est splendide mais ça coûte cher. Pour financer les travaux, le compositeur décide de créer une structure commerciale, la SEM, Société d'enregistrement Michel Magne. L’idée est toute bête : plutôt que d'être le seul à travailler dans un studio trop grand pour lui, le nouveau châtelain se dit qu'il a tout intérêt à rentabiliser son équipement en le louant à d'autres professionnels de la musique et du son.

Si Michel Magne ne manque pas de contacts pour amorcer la machine, il y a tout de même un problème : vu de Paris, son château n'est pas la porte à côté. Alors Michel Magne a une idée pour attirer les artistes jusque dans son repère du Val d’Oise : pourquoi ne pas aller plus loin que de simples séances d'enregistrements en proposant une sorte de villégiature artistique, où l'on peut travailler, dormir et manger ? Un refuge en somme, et un refuge d'autant plus sûr qu'avec la distance, personne ne viendra déranger ses visiteurs. Il y a là trois mots d’ordre : la liberté, la discrétion et la tranquillité.

Et puis, le lieu s’y prête : avec ses 57 pièces, sa piscine et son terrain de tennis, sans compter son vaste parc et quelques flippers installés par-ci par-là, ça n'a peut-être l'air de rien aujourd'hui, mais en 1969, année érotique, le concept de studio résidentiel est une petite révolution. Le Strawberry Studio, puisque c'est son nom, n'est que le deuxième au monde et le premier en France à proposer ce type de séjour en résidence aux producteurs et aux artistes. Un lieu où l'on peut tout faire dans une atmosphère d'autant plus propice qu'on y garantit un certain standing, avec un chef aux cuisines, une cave bien remplie et un personnel trié sur le volet.

Michel Magne ne le sait pas encore mais tout est prêt pour que son château devienne l'un des lieux les plus mythiques de la scène rock. L’activité commence doucement les deux premières années, en 1969 et 1970, tellement doucement qu'il ne se passe pas grand-chose à Hérouville, du moins sur le plan professionnel. Sur le plan personnel, c'est autre chose. Au lendemain d'un divorce compliqué, Michel Magne retrouve le sourire en croisant une jeune femme qui ne tarde pas à devenir sa deuxième épouse : Marie-Claude.

L'âge d'or de Hérouville

Le véritable départ de Strawberry Studio date donc de 1971. Mais le démarrage se fait sur les chapeaux de roues. En trois ans à peine, le manoir d’Hérouville devient the place to be, bien servi par la bande de jeunes gens de talent qui entourent Michel Magne. Tous sont des ingénieurs du son hors pair mais aussi des bidouilleurs de génie toujours prêt à tester d'autres manières de capter des notes et du son.

En trois ans, la liste des artistes qui poussent les grilles du château est tout bonnement ahurissante. Dans la foulée de T-Rex, le groupe de Marc Bolan, toute la fine fleur du rock se passe le mot pour poser ses valises dans ce petit bout du Val d’Oise. Après T-Rex, on voit débarquer David Bowie, Cat Stevens, Elton John et les Pink Floyd, pour ne citer qu’eux. Tout le rock anglais est là, à un moment où il se transforme pour explorer d'autres univers, du glam au Hard Rock en passant par le psychédélique ou par les prémisses du punk.

Le studio tourne sans cesse, 24h sur 24 et 7 jours sur 7 ou presque. On fait chauffer les consoles sous les poutres du premier étage, là où la musique sonne si pure et si claire, si lumineuse que les plus exigeants des artistes en reste babas, à commencer par les Pink Floyd, qui enregistrent Obscured by Clouds au mois de mars 1972. L’album, qui sert de BO au film La Vallée de Barbet Schroeder, contient quelques bijoux comme le single Free Four.

Elton John, qui ne jure que par Hérouville, y enregistre pas moins de trois albums, dont le fameux Goodbye Yellow Brick Roadet Honky Château, un disque dans lequel il fait référence au manoir et sur lequel on peut entendre le tube Rocket Man. La France est bien présente à Hérouville grâce au légendaire Magma de Christian Vander, avec son jazz rock hypnotique.

Même l'Amérique pointe son nez grâce au Grateful Dead dont le concert, en 1971, restera dans les mémoires des participants. Tout le village est là, pour un set d'autant plus apprécié que beaucoup finissent dans la piscine, bien aidés par les quelques substances illicites qu'on avait, dit-on, rajoutées dans le champagne qui coulait à flots.

Derrière les grilles d’Hérouville, l'atmosphère est aussi professionnelle dans les studios que libertaire et relâchée en dehors. Personne n'a jamais fait de bonne musique en jouant défoncé mais les temps morts sont ceux des expériences en tous genre. Les mœurs sont plus libres, aussi. Le Summer of Love de 1967 n'est pas si loin. L’heure est à la marijuana, au LSD, à la liberté de jouir sans contrainte.

Jacques Higelin en sait quelque chose. Quand David Bowie débarque au château avec Iggy Pop en 1977, celui qu'on surnomme l’iguane ne tarde pas à tomber sous le charme de la compagne du chanteur, Kuelan Nguyen. Leur brève romance a inspiré China Girl à Iggy Pop, un tube de légende repris plus tard par David Bowie.

Protégé des paparazzis par ses arbres et ses murs, Hérouville est un havre de paix qui sent l'herbe fraîche, dans tous les sens du terme. Mais c'est aussi un lieu protégé de la curiosité épuisante des fans et des médias. La créativité déborde dans un lieu où tout le monde est aux petits soins pour les artistes, servis par une bonne quinzaine de salariés : un gardien, un jardinier, un intendant, des femmes de ménage, des cuisiniers, un menuisier, deux hôtesses, tout cela sans compter l'équipe technique et les ingénieurs du son.

Une gestion financière difficile

Avec des frais de fonctionnement pareils, la question de la rentabilité se pose très vite. Pour s'y retrouver, Michel Magne ouvre un second studio, le Chopin, qu'il installe au rez-de-chaussée d'une des dépendances en 1972.

Mais le ver est dans le fruit. Michel Magne est un compositeur de talent, pas un producteur de métier, encore moins un gestionnaire. L’argent coule à flot à Hérouville mais il sort plus vite qu'il ne rentre. Fatigué de faire ce métier qui n'est pas le sien, Michel Magne confie les clés du site à l'été 72 au patron du Studio Davout, Yves Chamberland. Il garde le château mais lui cède la société qu'il a fondé pour un franc symbolique, avec l'équivalent aujourd'hui de 600 000 € de dettes.

La gestion se fait plus rigoureuse, on taille dans toutes les lignes budgétaires et David Bowie se plaint d'ailleurs de manger beaucoup de patates pendant qu'il enregistre son album Pin Ups, fin 73. Mais rien n'y fait. Après six mois seulement, Chamberland jette l'éponge et déserte en laissant plus d'un million de dettes derrière lui.

À la fin de l'année 1973, le château d’Hérouville est abandonné une première fois. Mais il existe un vieux dicton qui dit que le rock ne meurt jamais. Et c'est vrai, le château s'apprête à connaître une seconde vie. L’hiver 73-74 est difficile : les gamins du village se font un plaisir de descendre les vitres aux lance-pierres et de squatter le parc et le château délaissé, ouvert à tous les vents. Les fils pendent des consoles et des enceintes qui restent, la moisissure a tout envahi en se glissant dans les pièces désertées avec leurs portes fenêtres béantes.

Michel Magne, pourtant, ne renonce pas et cherche un nouveau gérant. Ce sera le bassiste du groupe Magma, Laurent Thibault, qui se retrouve responsable, à moins de 30 ans, d'un site qui bat de l'aile. Mais le musicien relève le gant.

Au printemps 1974, il commence par virer les squatteurs, nettoie le site et fait feu de tout bois quitte à passer par Emmaüs pour remplacer les meubles moisis. Et comme dans un conte de fées, le château se réveille. Le début des années 70 était celui de l'âge d'or, la suite relève du mythe.

Le renouveau de Hérouville

Un seul studio est encore utilisable dans un premier temps, celui de l'aile Sud. Mais qu'à cela ne tienne, on l'équipe de ce qui se fait de mieux et les stars reviennent. Tom Jones, Jacques Higelin, Magma, David Bowie, Fleetwood Mac, Charlélie Couture, Eddie Mitchell et les Bee-Gees qui débarquent en 1977 avec de quoi mettre quelques paillettes dans un univers qui reste très rock.

Très rock et même métal. En 1978, quand Ritchie Blackmore, le très ombrageux guitariste de Deep Purple, débarque avec les petits gars du groupe Rainbow, ce n'est rien de dire que leur son fait trembler les vénérables murs de la vieille demeure, bien servi par la voix stupéfiante de Ronnie James Dio, le chanteur de Black Sabbath.

Au cœur des années 70, pour équilibrer les finances toujours fragiles du château, on n'hésite pas à louer le site à des projets quelque peu décalés, comme le tournage du film Mes Nuits avec Alice, Pénélope, Arnold et Richard, un film qualifié généreusement d'érotique, pour ne pas parler de pornographie pure et dure. Le temps n'étant pas aux fausses pudeurs, le courant passe bien entre l'équipe du film et les artistes présents, parmi lesquels un certain Johnny Hallyday. L’idole des jeunes va même jusqu'à prêter l'une de ses voitures à la production pour le temps du tournage, avant de prendre la pose avec les actrices du film, fort peu vêtues. Le cliché fera la joie de Claude François, qui l’a publié en couverture de l’Absolu, le journal quelque peu coquin qu'il avait lancé pour concurrencer le magazine Lui.

L’ambiance est parfois surréaliste et une fois encore, ce n'est pas Jacques Higelin qui dira le contraire. Présent sur le site au même moment que les Anglais du groupe Rainbow, le pauvre Higelin est aux premières loges pour assister à de purs moments de rock and roll. Quand elle ne balance pas des œufs sur le chanteur au beau milieu d'un enregistrement, la bande de Ritchie Blackmore passe son temps à rejouer la guerre de cent ans en lançant des javelots à travers le parc. Si la légende veut que Higelin en ait retrouvé un planté jusque dans la porte de sa chambre, c'est le clavier du groupe qui était visé et qui finira d'ailleurs par quitter les lieux, tout ça quelques jours avant que la joyeuse bande ne balance au feu la belle radio de son père, après une soirée très arrosée.

Qu’on se rassure, il y aura tout de même une forme de réconciliation avec une partie de photométrie que les Britanniques remportent haut la main, 23 buts à 2 tout de même. Mais il faut dire que les Français jouaient en santiags…

Cette atmosphère de bamboche et de vie nocturne passablement foutraque ne change rien à la qualité des albums enregistrés et produits à Hérouville pendant dix ans. Nina Hagen, David Bowie Bernard Lavilliers, Jethro Tull, Cat Stevens, Tom Jones et Fleetwood Mac, qui enregistre l'album Mirage à Hérouville en 1982, passent ou repassent par les studios, comme le fera aussi le grand Claude Nougaro.

La fin des studios mythiques

Mais la solide demeure de Hérouville reste un château de sable financier, un gouffre qui demande un engagement de tous les instants. Constamment pris à la gorge, Laurent Thibault fait des merveilles pour retarder l'échéance mais la liste des créanciers s'allonge. Au début des années 80, même s'il s'est éloigné de la gestion du site, Michel Magne ne le supportera pas. Dans son autobiographie, L'amour de vivre, publié en 1980, le compositeur avait eu cette phrase prémonitoire : 

" Hérouville était trop beau pour être vrai, attirait trop de convoitise, trop de jalousie et je fus puni d'être heureux. "

Le 19 décembre 1984, la veille du jour où le tribunal de commerce de Pontoise s'apprête à prononcer sa liquidation judiciaire personnelle, le compositeur s'arrête à quelques kilomètres de Hérouville, à l'hôtel Novotel de Cergy Pontoise. C’est là que Michel Magne se suicide en avalant une dose mortelle de barbituriques, quelques semaines après avoir livré sa dernière composition pour le cinéma, la bande originale des Misérables, réalisé par son ami Robert Hossein. Il avait 54 ans.

Quelque chose s'est irrémédiablement brisé cette nuit-là dans cette chambre d'hôtel de Cergy Pontoise. Le studio d’Hérouville a perdu son créateur et sans doute un peu de son âme. L’année suivante, à l'été 1985, l'épée de Damoclès finit par s'abattre : après 15 ans d'aventure et 300 albums, le studio d’Hérouville est dissous et l’avis d'expulsion parvient au château, que Laurent Thibault doit quitter, la mort dans l'âme. L’aventure d’Hérouville semble cette fois bel et bien terminée. Et pourtant…

Une nouvelle vie dans la musique

La fin du studio en 1985 s'explique bien sûr par un modèle économique impossible à tenir, mais pas seulement. Le modèle de studio résidentiel n'attire plus grand monde dans une époque où tout est minuté. Les artistes et leurs producteurs n'ont plus la même disponibilité qu'avant pour aller passer plusieurs jours dans un site comme celui d'Hérouville, resté très soixante-huitard dans l'âme.

Mais la mort du site s'explique aussi par le fait qu'au début des années 70, le studio a largement raté le passage progressif de l'analogique au numérique. Peut-être par nostalgie, peut-être aussi parce que la froideur de l'informatique n'a jamais convaincu Laurent Thibault et ses comparses.

Tandis que Laurent Thibault se lance dans d'autres aventures, à Auvers-sur-Oise, là où Van Gogh a lui aussi mis fin à sa vie, le château s'endort à nouveau, heureusement protégé des vautours de l'immobilier par le classement d'une partie du site aux Monuments Historiques. Le propriétaire doit se résoudre à abandonner ses rêves de complexe hôtelier de luxe pour ouvrir un magasin de produits d'équitation qui ne prendra jamais vraiment. En 2005, Jean-Louis Aubert loue bien le site pour travailler sur l'album Idéal Standard, mais c'est un hommage au site plus qu'une reprise.

Mais comme il y a toujours des miracles dans le rock and roll, la musique est revenue petit à petit au château. On est loin de la flamboyance du début des années 70, bien sûr, mais le Manoir a été racheté en 2015 par un collectif d'ingénieurs du son. En 2016, un nouveau studio d'enregistrement a rouvert ses portes, doublé d'un centre de formation aux métiers du son. La vie a repris sous les arbres au gré des enregistrements qui ont réuni depuis quelques figures de la scène actuelle, du groupe pop anglais Metronomy en passant par Asaf Avidan, Matthieu Chedid, Camille, Lou Doillon ou Sting en personne, passé par Hérouville pour une session retransmise à la télévision, Hérouville est mort, vive Hérouville.

 

 

Historiquement Vôtre est réalisée par Guillaume Vasseau.

Rédaction en chef : Benjamin Delsol

Auteur du récit : Jean-Christophe Piot

Journaliste : Armelle Thiberge