"Le diagnostic posé par Jean-Louis Borloo est abrupt"

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Chaque matin, Hélène Jouan évoque un sujet précis de la vie politique.

Jean-Louis Borloo a remis hier au premier ministre un rapport intitulé "Vivre ensemble-Vivre en grand la République", un appel  à la mobilisation nationale en faveur des quartiers prioritaires. Qu’est-ce que le président va faire de ce rapport Hélène ?

« Bin il va le lire », c’est la réponse qu’Edouard Philippe vous a faite ici même hier matin quand vous lui avez posé la question. Heureuse et prudente initiative. Heureuse parce que le diagnostic posé par Jean-Louis Borloo est abrupt : "6 millions de personnes vivent chez nous dans une forme de relégation, voire d’amnésie de la Nation, écrit-il, des maires craquent. A défaut d’agir, fermentera le risque d’un recroquevillement identitaire et communautaire ". Prudente, parce que le chiffrage des actions à mener est impressionnant. Plus de 40 milliards d’euros.

C’est ce chiffrage qui inquiète le gouvernement ?

La première réaction à l’annonce de cette boite à outils complexe, c’est effectivement combien ça coûte ? Sous-entendu, a-t-on vraiment les moyens de s’autoriser de telles dépenses quand la France est déjà sur-endettée ? Sous-entendu aussi, 40 ans de politique de la ville où l’on a déjà déversé des milliards, pour en arriver là, pourquoi continuer ? Ce à quoi Jean-Louis Borloo rétorque : « combien ça rapporte ? » Combien ça rapporte de remettre dans l’apprentissage des enfants de ces quartiers quand ils en sont aujourd’hui largement exclus, combien ça rapporte de sortir les femmes de leur ghettos en leur permettant d’accéder à la mobilité ?

On peut discuter des solutions proposées par cet hyperactif un peu brouillon, mais surtout bouillonnant d’idées. Le socialiste Malek Boutih par exemple conteste son idée de créer une "académie des leaders" issus de ces quartiers, "un sous Ena" dit il, "alors que l’objectif devrait être d’envoyer le plus possible de ces jeunes à l’Ena, le vrai" ; d’autres regrettent qu’un des grands problèmes qui mine aujourd’hui ces quartiers en difficulté, la prégnance du fait religieux, de l’islam radical, ne soit pas assez pris en compte par ce plan.Mais il ne faut pas s’y tromper. On peut ergoter sur le coût et sur les mesures, pas sur l’urgence à apporter des solutions.

Alors ce plan, le gouvernement va en faire quoi ?

Jean-Louis Borloo s’était autant auto-saisi de cette mission, sous la pression des maires en colère, qu’il en avait été chargé par le président de la république. Sauf qu’aujourd’hui, il met Emmanuel Macron au pied du mur. Tout ce qu’il ne retiendra pas dans ce plan sera compté à son débit. Il ne s’agit plus de jambe droite ou de jambe gauche. S’il ne s’attaque pas à l’essentiel dans notre pays, et cette situation d’urgence en est une, c’est tout l’équilibre républicain qui est menacé. Et la porte ouverte aux aventures les plus dangereuses qui l’attendent.  Ce danger dont le président affirme sentir l’urgence chaque jour de son mandat. En attendant de se prononcer, "bin il va le lire".