Maroc : deux mineures poursuivies pour homosexualité

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SAISON 2016 - 2017

Deux jeunes femmes de 16 et 17 ans ont été dénoncées par leur propre famille et emprisonnées pour s'être embrassées sur un toit de Marrakech.

Dans la presse internationale, cette affaire largement commentée hier, sur le web français et qui pourtant est un peu passée sous silence dans le pays où les faits se sont produits. Au Maroc, deux jeunes filles ont été incarcérées pour relations homosexuelles.

C’est le magazine TelQuel au Maroc qui a très brièvement rapporté les faits en début de semaine. Deux adolescentes, Sanaa et Hajar, de 16 et 17 ans venaient d’être arrêtées, accusées de s’être embrassées sur un toit de Marrakech. Un voisin les a surprises, les a prises en photo, puis a envoyé le cliché à la famille, qui a elle-même prévenu la police. Les jeunes filles sont en prison depuis lors, elles vont comparaitre, tout à l’heure, pour "acte contre-nature avec un individu de même sexe". 

C’est un acte réprimé au Maroc ?

Et sévèrement, c’est d’ailleurs pour cela que la presse s’est enflammée en France. Mais au Maroc, l’information est traitée, du bout des lèvres. Une poignée de journaux seulement l’avaient évoqué hier, de façon très factuelle. Cela montre à quel point le sujet reste tabou dans un pays qui aime se présenter comme moderne. L’homosexualité reste punie de six mois à trois ans d’emprisonnement au Maroc. C’est l’article 489 du code pénal marocain et il est appliqué avec rigueur sans que beaucoup de monde y trouve à redire. Le bruit que font les rares activistes marocains dans la presse française masque parfois cette réalité : la population soutient cette répression dans sa majorité. Les harcèlements et les lynchages d’homosexuels sont même assez fréquents. Au printemps, un couple s’était fait tabasser dans son appartement par des intégristes en colère. Les agressés ont fini en prison avec une peine plus lourde que certains des agresseurs. 

Mais est-ce qu’une affaire aussi innocente, un baiser entre deux mineures, ne peut pas indigner justement et faire bouger les lignes ?

C’est ce que l’on espère. Une militante à laquelle Géraldine Woessner a parlé hier, Ibtissam Lachgar, se démène pour que l’on parle de l’affaire qui est une première. Jamais deux femmes n’avaient été accusées de relations homosexuelles au Maroc. Elle assure que l’on en parle davantage, même si les journalistes n’osent pas prendre position, mais elle souligne aussi le revers de la médaille. Quand on en parle plus, il y a plus de persécutions et de lynchages. Les conservateurs sur les réseaux sociaux se déchaînent et elle est pessimiste. Depuis 2012, ce sont les Islamistes du parti de la Justice et du développement qui sont au pouvoir, ils tiennent les postes clés et n’ont aucun intention de lâcher du lest, ni sur les droits des homosexuels, ni sur les droits humains, les droits des femmes ou des athées qui sont également persécutés, il faut le rappeler. Ibtissam disait hier sa douleur devant ce symbole. La Justice marocaine veut faucher la vie de ces jeunes filles qui devront un jour partir, peut-être. Le jour où ici une franco-marocaine, Leïla Slimani, reçoit le prix Goncourt en France, où elle vit justement pour pouvoir être libre.