Le 18 février 1531, John Fisher (1469-1535), évêque de Rochester, reçoit à dîner mais dès les premières bouchées, ses convives s’effondrent. Le cuisinier, Richard Roose est immédiatement accusé d’empoisonnement et conduit à la tour de Londres.
Selon une estimation, Henri VIII, durant son règne, aurait fait exécuter près de 57 000 personnes. Dans certains cas, son animosité personnelle l'a poussé à choisir pour ses ennemis une mort particulièrement brutale. L'une des particularités de Henri VIII, c'était notamment sa peur panique d'être empoisonné. Il avait à son service des goûteurs chargés de vérifier que tous les plats du roi étaient sans danger. Lorsque survient l'affaire Richard Roose, le roi est un peu à fleur de peau.
Le porridge empoisonné
Rien ne prédestinait Richard Roose à entrer dans l'Histoire. C'est un simple cuisinier, celui de l'évêque de Rochester, un certain John Fisher. Le 18 février 1531, l'évêque reçoit deux personnes à dîner chez lui. Le cuisinier sert un plat de gruau (ou peut-être de la soupe ou du porridge). En un éclair, les deux invités tombent raides morts. Et tous ceux de la maison qui ont consommé le porridge tombent violemment malades, de même que les deux mendiants à qui on avait donné les restes.
L'évêque, qui n'avait pas faim et n'avait pas touché au plat, se porte comme un charme. Aussitôt, on soupçonne le cuisinier, qui est emmené à la Tour de Londres. Au bout de quelques minutes de torture, il avoue avoir ajouté une poudre blanche au porridge. Sauf qu'il crie aussi avoir simplement voulu faire une blague, croyant que la poudre était un simple laxatif.
Un supplice insupportable
Mais Richard Roose est malchanceux : souvenez-vous, Henri VIII est terrifié à l'idée d'être empoisonné. Le roi lui-même saisit le Parlement et lui demande d'adopter une loi ajoutant l'empoisonnement à la liste des crimes de haute trahison, prévoyant pour tout empoisonneur la peine de mort par ébouillantage. C'est l'Act for Poisoning de 1531, qui ajoute à la Common Law cette nouvelle forme de trahison et de sanction. C'est très important sur le plan juridique : qui dit trahison, dit privation de procès. Pour cette époque très versée dans les procédures, la décision est très dure : normalement, même les condamnés à mort ont droit à un procès.
Pour Richard Roose, le Poisoning Act, c'est la mort assurée. Son exécution a lieu le 5 avril 1531. On le hisse avec des chaînes au-dessus d'un énorme chaudron d'eau bouillante, on l'y plonge et on l'en ressort à plusieurs reprises. Les spectateurs sont horrifiés, les femmes enceintes tombent dans les pommes, certaines personnes vomissent... Un témoin de l'époque précise que "le condamné rugit très fort"...
La victime collatérale d'un conflit
Pour le pauvre Richard Roose, le supplice est terrible. D'autant qu'il est surtout la victime collatérale d'un conflit moins connu : celui entre John Fisher et Henri VIII. Fisher s'opposait à l'annulation du mariage entre le roi et Catherine d'Aragon et Henri VIII (ou le clan d'Anne Boleyn) aurait pu être à l'origine de cette tentative d'empoisonnement. Si tel était le cas, punir l'assassin d'une façon aussi horrible permettait au roi d'afficher son indignation au public et de déguiser son implication dans l'affaire.
Quoi qu'il en soit, Henri VIII finit par avoir la peau de Fisher, seul évêque du royaume à s'être opposé à la reconnaissance du souverain en tant que chef suprême de l'Eglise d'Angleterre. Il est donc destitué et condamné à mort pour trahison. Pas d'ébouillantage pour lui : on lui tranche la tête avant de l'exposer à la population, sur le pont de Londres. Le Poisoning Act n'a été utilisé qu'une seule fois après Richard Roose, pour une certaine Margaret Davy, une servante qui aurait empoisonné sa maîtresse. Son exécution a lieu en 1542 et le texte de loi est ensuite abrogé en 1547 par le roi Edouard VI.