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Quel que soit le poison, entre le 15e et la première moitié du 18e, tout le monde tient pour une évidence que le meilleur contrepoison est le bézoard. Mais de quoi s'agit-il ?

Le mot bezoard vient du mot persan « pādzahr », qui veut dire « qui préserve du poison ». Bezoard est un mot issu de la littérature médicale arabe et persane et on commence à le voir apparaître dans les écrits médicaux européens à partir du XVe siècle.

Jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, on croit dur comme fer que les pierres de bezoard neutralisent venins et poisons, expulsent de l’organisme toutes les matières ou humeurs morbides qui l’encombrent, y compris la mélancolie.

Anne d’Autriche avait toute une collection de bezoards mais la reine Marie de Médicis était elle aussi entourée de deux grands dépressifs qui avaient une santé fragile. Louis XIII et Richelieu étaient connus pour être dépressifs, leur remède était un peu de poudre de bezoard matin et soir. Ils la râpaient et la buvaient, elle était aussi connue pour être efficace sur les hémorroïdes, une affliction dont Richelieu était régulièrement victime.

Qu'est-ce qu'un bezoard ?

Mais qu’est-ce qu’un bezoard ? On l’appelle aussi pierre de fiel ou perle d’estomac. C’est une concrétion pierreuse qui se forme dans l’estomac ou dans le rein de certains animaux comme les chèvres ou les antilopes, des bovidés qui mâchent.

Jadis, on croyait que le bezoard était la larme d’un animal fabuleux, mi-chèvre, mi-cerf, proche du Tragélaphe. Paré de toutes les vertus, le bezoard est le remède de bonne femme incontournable de la Renaissance. Attention, quand on parle de « remède de bonne femme », on ne parle pas d’une matrone, mais de bona fama, qui veut dire « de bonne réputation » et dont provient l’expression actuelle.

Comme les potions à base de poudre de corne de rhinocéros ou de licorne, un remède à base de poudre de bezoard est considéré comme un présent tout aussi précieux qu’un bijou ou une pièce d’argenterie. Cela guérit tout, aussi sûrement que la poudre de corail blanc soigne la peste, soulage les maux de dents et éloigne les démons. A cette époque, quand les souverains européens s’adressent des cadeaux, les pierres précieuses, la vaisselle d’or, les étoffes, les porcelaines et les larmes de Tolède voisinent toujours avec des bezoards.

Ainsi, le roi Philippe II d’Espagne offre à sa future belle-fille 24 bagues avec des rubis, mille perles, 200 paires de gants, 200 épées, 200 paires de pantoufles… et 300 pierres de bezoard.

Le bezoard a-t-il des vertus curatives ?

Sous la Renaissance, vous en avez forcément déjà vu. Les orfèvres les plus réputés montaient les bezoards sur or filigrané ou sur de l’argent.

Aujourd’hui, l’objet a un peu perdu de sa superbe et de sa poésie. Autrefois, on vous aurait parlé de larmes de Tragélaphe, ce qui était tout de même assez poétique. Aujourd’hui, on parle de phytobézoard, c’est-à-dire les concrétions qui se forment dans l’estomac ou le rein de bovidés à partir de débris végétaux. On parle aussi de trichobézoard, qui sont des poils et des cheveux accumulés par le léchage et qui finissent par former une sorte de pierre. Enfin, on cite aussi le lactobézoard, un gros caillou constitué de lait caillé. Beaucoup moins romanesque que les larmes de Tragélaphe…

La pierre n’est malheureusement pas dotée des vertus curatives qu’on lui donne, certainement pas contre le poison ou d’autres maladies. Mais si vous voulez en voir, le musée de l’école vétérinaire de Maisons-Alfort en expose de toutes les couleurs et de toutes les tailles (certains font même la taille d’un œuf d’autruche).