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Georges Simenon, le père du "Commissaire Maigret" et l'auteur belge le plus lu dans le monde a avoué, en avril 1977, lors d'un entretien avec son ami Federico Fellini, avoir calculé qu'il aurait eu dix-mille femmes dont 8.000 prostituées. Certes, il a commencé jeune (à 13 ans). Mais en admettant qu'il se soit livré 70 ans durant à cette chasse aux femmes, soit 25.500 jours, cela donne une moyenne d'une femme différente tous les deux jours et demi. Entre sa mère, ses épouses, ses maitresses et sa fille, évocation de ce séducteur insatiable, pour ne pas dire pathologique !

C’est un aspect assez peu connu de la vie de Georges Simenon. Lorsqu’il a donné naissance au commissaire Maigret, qui est son personnage le plus connu, il s’est senti tout à fait incapable de lui donner une vie de famille parce que lui-même n’avait que 26 ans.

Il n’avait pas encore d’enfant mais son rêve était de devenir chef de famille car à 18 ans, il avait perdu son père, mort d’une angine de poitrine. C’était un souhait très profondément ancré en lui. Il l’a d’ailleurs écrit : « La seule chose qui compte dans une vie : une femme, des bambins, dans un cadre calme, solide, une maison de pierre, des meubles massifs, lourds ».

Deux femmes et quatre enfants

Georges Simenon va avoir quatre enfants. Le premier d’entre eux, Marc, arrive quand Simenon a 36 ans, il naît de son union avec Régine Renchon, dite Tigy, sa première femme. Ses trois autres enfants, Jean, Marie-Jo et Pierre seront issus de son mariage avec Denyse Ouimet.

Denyse est canadienne, elle a 25 ans lorsqu’ils se rencontrent à New-York, dix-sept ans de moins que Simenon. Elle postulait alors pour un poste de secrétaire bilingue. Voici ce qu’elle dit de leur rencontre :

" Je l’ai connu à 13h45 au Brussels, je l’ai revu à 16h45 au Drake. A 19h, nous faisions l’amour. "

Entre eux naît une passion faite de sexe, de jalousie, de disputes et d’alcool. Denyse Ouimet écrira d’ailleurs un livre consacré à son histoire avec Georges Simenon, qui s’intitule Le Phallus d’or, publié en 1980 sous le pseudonyme d’Odile Dessane.

Simenon, contrairement à son commissaire Maigret, n’est pas du tout taillé pour avoir un commerce paisible avec les femmes. Sa mère, d’abord, lui a toujours préféré son frère Christian, mort en Indochine en 1947. Quand il meurt, elle dit à son fils survivant : « C’est dommage que ce soit Christian qui soit mort ». Elle s’éteint à 91 ans sans avoir jamais ouvert un seul livre de Georges.

De nombreuses amantes

Les mariages de Simenon seront des échecs : ses compagnes goûtent assez peu les frasques de ce bagnard de l’érotisme, qui court les bordels sous toutes les latitudes. Si le commissaire Maigret est aussi sympathique avec les prostituées, c’est parce que c’est un univers que Simenon connaît très bien. Il côtoie et a de l’affection pour ces femmes. Il avoue lui-même avoir conquis dix-mille femmes dont huit-mille prostituées.

Lorsqu’il était marié avec Tigy, il était aussi avec sa femme de ménage, en plus d’être l’amant de Joséphine Baker pendant une année et demie. Georges Simenon rêve d’une vie de famille traditionnelle mais il n’est pas taillé pour cette existence. Tout chez lui est placé sous le signe de l’excès.

Le drame de sa fille Marie-Jo

En février 1953, Denyse Ouimet met au monde une petite fille, Marie-Georges, dite Marie-Jo. C’est sa seule fille et peut-être son unique chance d’établir une relation simple avec l’autre sexe. Mais l’ambiance familiale est extrêmement délétère et la fillette subit de plein fouet la descente aux enfers de ce couple en capilotade.

Georges Simenon est un père plutôt joyeux et plutôt attentif mais il vit selon sa seule loi. Comme il s’est assigné d’écrire six à dix livres par an, il s’enferme comme dans un monastère et n’est plus là pour personne. Il se ferme régulièrement au monde extérieur, rien n’existe plus alors que son œuvre. Difficile pour la petite fille de trouver sa place auprès de son père. D’autant que ce dernier ne cache pas ses nombreuses conquêtes.

En 1963, le couple s’installe à Epalinges, dans une grande maison au nord de Lausanne. Mais Denyse, alcoolique et dépressive, quitte le domicile à peine un an plus tard. Elle est bientôt remplacée par Teresa, l’ancienne employée de maison.

Marie-Jo vit très mal tous ces événements et sa vie d’adulte ne sera pas si différente de celle de sa mère. Elle s’essaye à la chanson et au cinéma mais à la suite de ses échecs, sombre dans la dépression. Elle finit par se tuer d’une balle en plein cœur, en 1978, à l’âge de vingt-cinq ans seulement. A côté d’elle, on a retrouvé le livre écrit par sa mère à propos de son histoire avec Simenon.

Les cendres de Marie-Jo sont dispersées dans le jardin de l’écrivain, au pied d’un cèdre du Liban. Son père l’y rejoint le 4 septembre 1989. Avant de mourir, Georges Simenon avait quand même pris le temps d’écrire les 21 volumes de son autobiographie.