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Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.

Une image surprenante et qui semble totalement anachronique en Allemagne :  celle de la destruction d'un champ d'éolienne.

Cela se passe pas loin de Dusseldorf. Le groupe énergétique RWE, l’EDF allemand met à terre sept éoliennes.

Pas parce qu'elles ne fonctionnent plus. Mais parce qu'elles gênent l’extension d'une mine de lignite. Le lignite. Une sorte de charbon. Ce qui se fait de pire en matière de combustible fossile. Des éoliennes à terre pour laisser place à un énorme trou plein d’excavatrices... Voilà résumé en une image les errements de la politique allemande de transition énergétique, ce qu'on appelle, vous savez, l’Energiewende.

Cette Energiewende a consisté à fermer les centrales nucléaires, pour les remplacer par des moyens de production d’électricité renouvelable.

Des panneaux solaires et ces fameuses éoliennes. Il y en a près de 29000 en Allemagne.. Problème. L'électricité de ces éoliennes est totalement impossible à piloter. Il y a de l'électricité quand il y a du vent. Et comme il n'y a plus de centrales nucléaires, il faut utiliser en complément des centrales à gaz et aussi des centrales au charbon. Le gaz, c'est devenu compliqué avec la guerre en Ukraine. Et l'Allemagne a donc recours aux mauvaises vieilles méthodes : ses ressources en charbon. Et c’est pour ça que la mine de Garzweiler a besoin de s’étendre, au détriment des éoliennes.

L’Allemagne a prévu de se passer de charbon d’ici 2030.

C’était d’abord 2038... C’est maintenant 2030. On ne sait pas trop comment, puisque le vent ne sera toujours pas pilotable qu’aujourd’hui, et qu’il y a peu de chance qu’on sache stocker l’électricité à  une échelle suffisante dans 6 ans...

On peut donc résumer ça comme ça : pour se passer d’une énergie décarbonée, le nucléaire, puis du charbon qui l’a remplacé... l’Allemagne a besoin... de plus de charbon. En 2022, 27 centrales ont obtenu l’autorisation de rouvrir. Et avec elles, les mines.

L’électricité allemande est en ce moment 5, 10, voire 15 fois plus carbonée que la nôtre. Ses émissions de carbone ont cessé de baisser. L’Allemagne a sacrifié son bilan carbone sur l’autel d’une sécurité énergétique qu’elle s’est d’abord appliquer elle-même à saboter. Le nec plus ultra des ravages de l’idéologie antinucléaire.

Les habitants de la région où la mine s’étend sont furieux.

Oui, car on a rasé leurs maisons pour faire de la place à une mine. Ils le digèrent d’autant moins que le Gouvernement du Land de Rhénanie du Nord Westphalie, qui leur impose cette politique de gribouille, est composé de chrétiens démocrates, la CDU... Et de Grunen, les verts allemands. Oui, oui, les écologistes allemands valident une décision aussi affreuse pour le climat. Ecoutez la justification du ministre écologiste de l’Economie du pays, Robert Habeck: « C'était nécessaire. Mais bien sûr que c'est un péché vis-à-vis de la politique climatique, et que nous devrions travailler à ce que cela dure le moins de temps possible ».

En France, en Europe, l’attitude allemande commence à agacer.

Oui, parce que l’Allemagne, non contente de mener sur son sol des expériences énergétiques hasardeuses, a essayé de contraindre le reste de l’Europe à faire de même : ça a donné la bataille sur la taxonomie énergétique. Tout l’enjeu, c’était de savoir si le nucléaire décarboné pouvait bénéficier de financements avantageux, comme une énergie verte. L’Allemagne était contre. La France s’est bagarrée, elle a obtenu gain de cause.

Lundi, lors de la conférence des ambassadeurs à Paris, Emmanuel Macron a dit stop à l’Allemagne. Pas question de suivre l’exemple de son Energiwende paradoxale.  Il a qualifié de “ faute historique” l’diée de se priver de nucléaire en Europe. “Si une politique énergétique européenne doit se traduire par « plus de charbon, plus de dépendance fossile, ce ne serait pas bon », c’est ce qu’il a ajouté. Bim!  C’est exactement ce que l’Allemagne est en train de faire.