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Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.

Le 20juin dernier, la Première ministre Élisabeth Borne dévoilait les mesures de son plan jeunesse, parmi lesquelles la mise en place d’une nouvelle évaluation, appelée “ savoir vert” à la fin du collège, au moment du brevet.

L’intention est sans doute bonne : s’assurer qu'il y ait “un socle commun sur différents thèmes : bien s’alimenter, trier ses déchets, comprendre le changement climatique…” Mais avec une proposition comme celle-ci on sent que le vert est déjà dans le fruit.

Ce n’est pas une bonne idée ?

Disons qu’on peut se poser la question de ce qui est vraiment recherché. D’abord, une partie de cela, s’alimenter, se comporter avec civisme, c’est aux familles de l’enseigner. Ensuite, nos enfants sont abreuvés du matin au soir, y compris à l’école, d’avertissements écologiques, de craintes pour le climat, la biodiversité. Pas un n’ignore les glaciers qui fondent, les insectes menacés, le plastique dans les océans. Un jeune entre 15 et 25 ans sur deux est victime d’écoanxieté, cette forme de dépression liée à une angoisse du futur de la planète. Il faut vraiment faire attention à dans quelles mains on mettrait un tel enseignement.

L’écologie pourrait être mal enseignée ?

Il suffit de voir ce qui s’est passé à la convention citoyenne pour le climat. L’affaire a été noyautée par des ONG et des militants, qui se préoccupaient moins d’écologie que d’écologisme, ce qui revient à déguiser le marxisme d’un faux-nez environnemental bien rouge.

On en finit par être très loin des constats factuels et scientifiques qui devraient permettre aux citoyens de faire des choix éclairés. Grâce aux bons offices de Greenpeace, 55 % des 18-35 ans pensent que le nucléaire émet autant de CO2 que le gaz ou le charbon. L’Ademe, supposée autorité de référence, propage régulièrement des énormités, faisant passer l’uranium pour une source d’énergie fossile. Et quand on voit les âneries que contiennent au primaire, au collège, les enseignements sur l’agriculture, on peut être sceptique sur la capacité de l’institution à monter un programme factuel, dépassionné

Cela veut-il dire qu’on doit laisser les jeunes dans l’ignorance écologique ?

Certainement pas. Et ce n’est pas le cas : les enseignements sur ce thème sont nombreux. Mais il faut décaler le questionnement. Mettre en avant le besoin vital de rechercher de solutions. Ce dont les jeunes ont besoin, c’est de savoirs solides, d’esprit critique, de notions d’ordres de grandeur. Il faut une capacité à voir la grande image, à réagir en imaginant les conséquences de tous les choix, même vertueux. On doit leur apprendre aux adolescents à réagir avec raison, et non avec passion, sans quoi ils seront paumés face à la complexité. Pour l’instant, les jeunes dont on parle le plus sont tellement gagnés par la panique qu’ils croient que saboter une serre, manifester contre un tunnel ferroviaire ou remettre en cause la démocratie est logique et utile pour sauver la planète. On a raté quelque chose

Il faut en revenir aux fondamentaux...

On a ravagé l’enseignement des maths et des sciences. Nos classements pisa abyssaux en témoignent. On a relâché les attentes d’excellence dans les autres matières pour ne fâcher personne, on a renoncé à former massivement des esprits alertes.

Plus grave, on a cessé de dire aux jeunes que c’est leur intelligence qui fera la différence. On leur fait croire que le droit à la paresse et la décroissance sont des options. Ce sont des fariboles que seule l’Europe peut se permettre quand le reste du monde veut sortir de la misère. Nous avons besoin de jeunes volontaires et bien câblés. Des ingénieurs, des techniciens, des agriculteurs, des agronomes pour faire face au tsunami climatique.

Si on doit leur décerner un brevet vert, d’accord. Mais que ce soit dans cette optique.