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Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.

Hier s’est ouvert à Cournon, près de Clermont-Ferrand, le sommet de l’élevage, rendez-vous incontournable du monde bovin. Il va durer jusqu’au 6 octobre. Et il s’ouvre cette année dans une ambiance très morose. Le ministère de l’Agriculture a annoncé hier un important plan de soutien pour le secteur.

Ca va de mal en pis pour l’élevage bovin français. Que ce soit pour les cheptels destinés à la viande (allaitantes) ou pour ceux destinés à la production laitière, des effectifs en chute libre. Fin 2022, on comptait 17 millions de vaches en France. Un nombre en baisse constante depuis 2015 : 12.5% de moins en 7 ans.
Un chiffre : en 30 ans un quart des vaches à lait françaises ont disparu !

Mais pourquoi ?

Le secteur traverse une crise économique et morale, il subit des attaques sociales constantes, qui rendent difficile à supporte un métier exigeant, avec des rémunérations parmi les plus basses du monde agricole. Les éleveurs ont dû affronter aussi une flambée des coûts de production depuis trois ans. Transport, énergie, alimentation... Tout est plus cher... D’autant que les accidents climatiques ont bouleversé le modèle économique des élevages français ces quelques dernières années, qui sont de taille assez petite au regard de ce qui se passe ailleurs dans le monde et qui reposent essentiellement sur l’herbe et un fourrage produit sur place. Résultat: des éleveurs qui raccrochent, fatigués de manger de la vache enragée.

Un élevage bovin sur la sellette, parce qu’émetteur de CO2. Finalement, est-ce que ce n’est pas une bonne nouvelle pour le climat qu’il se réduise en France?

Raccourci séduisant... Mais faux. Il faut penser aux conséquences économiques et écologiques du non-élevage, ce que personne ne fait !

D’abord, ça veut dire des prairies, sur lesquelles repose l’élevage en France, il faut le rappeler, disparaissent, et ne sont remplacées par rien. Les ¾ des prairies sont incultivables et deviennent taillis. Or, les prairies sont des puits à carbone.

Ensuite, la décapitalisation du cheptel ne s’accompagne pas de la même baisse de la consommation de lait et de viande, qui ont même tendance à remonter. La balance commerciale pour le lait s’érode, alors que c’était un de nos points forts.

Pour la viande bovine, c’est la bérézina. Le déficit commercial a doublé en 2022 ! Ce qu’on ne produit plus, on l’importe! +23% en un an pour les importations. Notre principal fournisseur, ce sont les pays Bas, pas réputés pour leur modèle d’agriculture durable.

Qu’est ce que ça veut dire ? Que la France n’est pas plus vertueuse en laissant fondre son élevage ?

Elle se contente de sous-traiter ses émissions de gaz à effet de serre... Pire : elle les aggrave! Chiffres de la FAO éloquents. L'élevage bovin à la française, essentiellement à l’herbe, produit 15,6 kilos d'équivalent CO2 par kg de viande. C’est 27 kilos pour la moyenne mondiale et 335 kilos pour la viande brésilienne ! Réduire l'élevage vertueux pour le compenser par un élevage qui l’est beaucoup moins, c'est une idée vachement bête.