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Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.

Une alerte lancée par les professionnels du contrôle des nuisibles, qui débarrassent les locaux des cafards, punaises de lits et surtout des rongeurs… Ils risquent de perdre une arme essentielle dans la lutte contre les rats.

La Commission européenne, sur recommandation de l’ECHA, l’agence sanitaire européenne, pourrait à brève échéance, c’est-à-dire peut-être en septembre, interdire les usages de produits rodenticides dans les espaces fermés. Entreprises, usines, bâtiments d’habitations hôpitaux, etc.

Rodenticides, ça veut dire des substances qui tuent les rats, on ne parle plus de mort aux rats à l’arsenic, bien sûr, mais de plusieurs produits, comme des anticoagulants, qui se présentent sous forme de pâtes appétissantes pour les rongeurs, et qui ont le même effet que leur ancêtre, le grain empoisonné.

Pourquoi interdire ?

évidemment parce que ces produits n’ont plus le vent en poupe, même si leur dissémination est quasiment impossible. Il y a des inquiétudes de sécurité, ils peuvent potentiellement tuer d’autres animaux, comme les écureuils, même si c’est rare, ou empoisonner chats et rapaces qui chassent les rats contaminés. Cela dit la base de la réflexion est assez cocasse : il s’agit d’une seule étude menée par un fabricant de tapettes à l’ancienne. En gros, puisque ça marche sans chimie, avec un bon vieux moyen mécanique, autant s’en contenter.

Tout ça mérite une vraie analyse de bénéfice et de risque :  les rats constituent un réel problème de santé public, par les bactéries qu’ils transportent, salmonelles, etc et par les maladies graves qu’ils peuvent disséminer, comme la leptospirose. Ils causent aussi des incendies, des dégradations au bâti.

Les professionnels de la dératisation ne sont pas d’accord pour l’interdiction.

Ils sont mesurés dans leur protestation. Ils ne tiennent pas absolument à utiliser ces produits rodenticides. Mais selon eux, il est absurde de les interdire totalement. Ils ont besoin d’un arsenal, d’une palette de solutions, un peu comme les médecins ont besoin de plusieurs sortes de médicaments.

Parce que les tapettes, c’est difficile à installer et encore plus à relever dans les faux plafonds, les gaines électriques… Et puis, des rats morts à l’air libre, dans les hôpitaux, les écoles, les industries agroalimentaires, qu’on ne verra pas forcément dans la minute… On comprend bien le problèmes sanitaires. Ça demande des relevés quotidiens et il n’y a personne pour les faire. La dératisation, c’est un métier, il faut être breveté pour cela.

Au-delà, les dératiseurs soulignent une vraie question culturelle.

Et ça devient passionnant, parce que ça parle de notre rapport à l’hygiène, à la sécurité sanitaire. Ils expliquent que l’Espagne, le Portugal, en Belgique, aux Pays-Bas par exemple, ont acquis une culture de la prévention contre les rongeurs et au-delà, tous ces animaux invasifs.  On y installe des dispositifs empêchant les rats d’entrer, on fait des audits fréquents… On n’a aucun problème à avoir la camionnette des professionnels garée devant son établissement : c’est un moyen de dire aux clients qu’on se prémunit des infestations, qu’on les protège… En France, expliquent-ils, on est encore dans une culture de honte et du secret. Si le dératiseur est là, c’est qu’il y a déjà des rats. Il n’y a pas non plus de démarche collective de prévention.  C’est toute une révolution qu’il faudrait faire et qui rendrait moins nécessaire le recours à la mort au rat.