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Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.

Aujourd’hui, au Sénat, une séquence à haut risque pour le Gouvernement. Les Sénateurs vont se prononcer sur le traité de libre échange entre l’Union européenne et le Canada, qu’on appelle le Ceta. Il était temps.

Ce traité a été signé en 2016 et il est effectif depuis 2017. Sept ans, donc, et son processus de ratification n’était toujours pas achevé. Il a fallu que des sénateurs communistes décident de l’inscrire à l’ordre du jour, à la faveur de ce que l’on appelle leur “ niche parlementaire” pour que ce vote ait lieu.

Qu’est ce qui explique un tel délai ?

Le traité a été ratifié par le parlement européen en 2016. C’était ensuite aux Etats de se prononcer. Le Gouvernement a soumis le texte à l’Assemblée en 2019, il a été voté de justesse et puis, plus rien.  Des sénateurs de tout bord ont fait des pieds et des mains pour que le Gouvernement leur demande leur avis. Lequel a fait la sourde oreille. Il avait peut que le vote soit ricrac... il a joué la montre. Il pensait que les bénéfices du Ceta sur la durée plaiderait pour lui et qu’il finirait par passer comme une lettre à la poste.

Mais la crise agricole est passée par là.

Oui. Et elle a remis sur le tapis d’autres traités de libre échange, dénoncés par les agriculteurs parce qu’ils permettent l’arrivée de produits venus du bout du monde, qui ne respectent pas nos standards et qui font une telle concurrence à nos productions qu’ils les ruinent. Le Mercosur, en discussion avec quatre pays d’Amérique du sud, et d’autres déjà signés : des traité avec la Nouvelle Zélande, le Chili, le Kenya...

Et le Ceta est lui aussi revenu sur la table. Pour les sénateurs, une occasion de faire coup double. Dénoncer le libre échange et infliger un camouflet au gouvernement en votant contre celui qu’ils ont sous la main, cle tarité avec le Canada

Qui n’est pourtant pas un mauvais accord.

Non. Il est même plutôt bon. Il a fait progresser les échanges avec le Canada d’un milliard d’euros en 7 ans. Il ne lèse aucun secteur et surtout pas l’agriculture. Les secteur du lait et des boissons en bénéficient. Les producteurs bovins restent réticents mais pour l’instant, on n’importe quasiment pas de viande du Canada. La peur est hypothétique.

Le Ceta va payer pour les autres.

Oui, car il y a de grandes chances qu’il soit retoqué par les sénateurs, de gauche, mais aussi de droite. Il n’y a guère que les centristes pour le défendre. Le gouvernement va prendre en pleine face le boomerang de sa procrastination. Il va falloir expliquer ça aux partenaires européens et au Canada.

Ça va changer quelque chose à l’avenir du traité ?

Non. Et c’est un révélateur d’un dysfonctionnement. Le Gouvernement aura deux choix. Soit se décrédibiliser en Europe en notifiant le refus de la France, ce qui ouvrira une crise... Soit de nouveau faire comme si de rien n’était et ne rien notifier à Bruxelles. Ce qui revient à dire à la représentation nationale qu’on se fout de son avis.  La crise politique serait, cette fois, largement ouverte en France