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Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.

Ça ne va pas fort pour les œufs français. Encore un pan de notre souveraineté alimentaire qui donne des signes de faiblesse. La France était le numéro un européen des œufs en 2021, 15 milliards d’œufs produits, 15% de la production de l’UE. Cette place est menacée.

La production française d’œufs a décroché en 2022, c’est ce que raconte un article très intéressant paru il y a quelques jours dans la France agricole. Une baisse de 8% en un an et même de 11% pour les œufs issus de poules élevées en cages. Un effondrement, alors que c’était un secteur qui se portait plutôt bien. Avant cette crise, à elle seule, la France représente 28 % de la production d’œufs de plein air, et 30 % de la production bio

Que s’est-il passé  pour que la production s’écroule ainsi ?

C’est essentiellement dû à la grippe aviaire qui a frappé la France. Cela a nécessité des vides sanitaires répétés dans l’ouest de la France. Entre octobre 2021 et juillet 2022, trois millions de poules pondeuses sur 57 millions ont été abattues.

Ça a frappé un secteur financièrement fragilisé.

Il a dû faire beaucoup d’investissements ces dernières années, pour éliminer progressivement les cages dans les élevages, se réorganiser depuis l’interdiction du broyage des poussins mâles. De très bonnes nouvelles pour le bien être animal, un vrai progrès, mais coûteux.  Les éleveurs ont aussi vu a les coûts de production flamber avec la hausse des céréales : multipliées par deux mi 2022.

Et ils ont du mal à rentrer dans leurs frais, parce que les consommateurs, vous et moi, sont très heureux qu’on élimine les cages, mais ils ne veulent pas payer les œufs plus cher pour autant. À la caisse, le coût de leurs exigences éthiques leur semble soudain très lourd. Et puis il y a la pression incessante des normes, les critiques. Résultat, pas mal d’éleveurs de poules ont jeté l’éponge.

Et pourtant, la consommation française se porte très très bien.

En forte hausse. 20% sur certaines gammes comme les œufs de poules élevées au sol. L’œuf, c’est une bonne protéine, peu chère, un produit anticrise, en période d’inflation.

Ça se traduit comment, cette chute de notre production d’œufs ?

Brutalement : La France était autosuffisante depuis une dizaine d’années. C’est fini. Elle ne produit plus assez d’œufs pour sa propre consommation. Les importations ont bondi de 48% en un an, essentiellement depuis l’Espagne, mais aussi depuis la Pologne : :522% en un an pour les achats d’œufs polonais.

La France exportait des œufs, aussi, ça se réduit comme peau de chagrin : en un an, les ventes en volumes de nos œufs hors de nos frontières ont chuté de 40 % pour les œufs coquille et de 3,6 % pour les ovoproduits, qui sont destinés à l’agroalimentaire.

Résultat : notre balance commerciale, qui était excédentaire, a plongé dans le rouge en 2022. 100 millions d’euros de ventes perdus en un an

Une perte de souveraineté... Mais c’est encore pire que ça

Une production qui baisse, une consommation qui augmente. Pas de secret, on se fournit ailleurs. Ironie de l’histoire, on importe les œufs produits selon des méthodes qu’on ne veut plus chez nous, c’est à dire pondus dans des cages. Notre production vertueuse n’a pas été respectée dans son propre pays, elle est désormais saccagée et laisse place à pire et ça nous coûte très cher économiquement. On a cassé les œufs et on n’a même pas l’omelette.