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Chaque matin, Etienne Lefebvre décrypte l'une des actualités économiques marquantes du jour.

La livre sterling a dévissé ce lundi à la Bourse de Londres. La City craint de plus en plus un Brexit sans accord.

La devise britannique c’est un peu le thermomètre du climat économique. Et là, la température baisse, car les investisseurs commencent à intégrer la perspective d’une sortie brutale de l’Union européenne. Jusque-là, ils n’y croyaient pas. Mais l’équipe mise en place par Boris Johnson, et ses discours vont tous dans le même sens. Le Brexit aura lieu quoi qu’il arrive au 31 octobre. On se croirait d’ailleurs revenu trois ans en arrière, pendant la campagne du référendum. Celui qui était alors le maire de Londres vantait les bénéfices du Brexit, sans donner le mode d’emploi. C’était un mirage, mais ça ne l’empêche pas de recommencer, en assurant qu’il faut saisir, je cite, "l’énorme opportunité économique d’une sortie de l’Union européenne". 

Pourquoi est-ce un mirage ? On n’a pas vu l’économie s’écrouler depuis le référendum ?

C’est vrai mais la croissance ralentit, et l’investissement chute, alors que le Brexit n’a pas même eu lieu. Ensuite, il faut regarder de près le projet économique de Boris Johnson. Il dit que le Royaume-Uni "va pouvoir faire les choses qu’il n’avait pas le droit de faire depuis des décennies". Mais lesquelles ? La "renaissance" du nucléaire ? C’est réalisable dans l’Union européenne. Le plan de relance dans les infrastructures ? Le Royaume-Uni est libre de le faire, il n’est pas dans l’euro, n’est pas soumis à ses règles budgétaires. Boris Johnson veut faire de son pays un paradis fiscal à l’entrée de l’Europe ? Mais il n’y a pas d’harmonisation, malheureusement, et certains États membres font déjà la course au moins-disant fiscal. Donc tout cela ressemble fort à un écran de fumée.

Reste les accords commerciaux que pourrait conclure librement le Royaume-Uni ?

Alors oui, pour cela, il faut sortir du marché unique. Mais là encore, c’est un mirage. Qui peut imaginer qu’un pays isolé, le Royaume-Uni, pourra obtenir davantage de ses partenaires que l’Union européenne, premier marché économique mondial ? D’autant que l’Europe, aujourd’hui, négocie des accords qui vont bien au-delà des droits de douane, pour imposer ses standards règlementaires, sociaux, environnementaux. Boris Johnson veut faire du Donald Trump, sans la force de frappe économique et financière des États-Unis, et du dollar. Ça paraît voué à l’échec, mais attention, le Premier ministre britannique a une grande qualité, c’est un pragmatique. Il est capable de changer de pied, si nécessaire. N’oublions pas qu’au départ, il était opposé au Brexit.