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Chaque samedi matin, Roland Perez nous donne les clés pour comprendre quels sont nos droits au quotidien.

Il y’a quelques jours, une décision de justice a été rendue, elle est pour le moins inattendue et cela a interpellé le juriste que vous êtes. Elle concerne le décrochage et le vol par deux militants écologiques du portrait présidentiel dans une mairie à Lyon en février dernier. Je vous laisse nous rappeler Roland, ce que dit cette décision ?

Elle donne en quelque sorte un blanc-seing aux deux prévenus poursuivis à l’origine pour un vol en réunion, estimant qu’ils ont agi par pure nécessité et que cela les exonérait de toute infraction, au grand dam il faut bien le dire du procureur, qui réclamait de son côté, le prononcé d’une amende.

Bon, on connait en droit Roland, la légitime défense qui fait disparaître l’infraction, mais il y’a donc aussi la notion d’état de nécessité qui a le même effet, expliquez-nous ?

L’état de nécessité figure bien dans le code pénal pour justifier une action répréhensible comme un vol de pain dans un boulangerie par une maman pour donner à manger à ses enfants affamés alors que la famille est totalement dépourvue de ressources, ou encore par exemple, le fait pour une personne confrontée à des intempéries pouvant mettre sa vie en danger, trouve refuge dans une habitation privée dont il casse l’une des fenêtres...

Il y a dans ces exemples tels que le prévoit la loi, une notion de danger réel ou imminent auquel toute personne peut se retrouver un jour confrontée et ce qu’elle va être amenée à faire d’illégal pour se protéger ou protéger une autre personne ou même un bien. C'est une notion juridique ancienne qui déjà était appliquée de fait par les juges à la fin du 19e siècle et qui a été consacrée par le code pénal en 1994.

Et donc dans l’affaire du décrochage du tableau du président, le motif tiré de l’urgence climatique, tient la route pour le juriste que vous êtes ?

Ça décoiffe un peu comme l’a relevé l’un des collègues du magistrats qui a rendu la décision de relaxe, d’autant que ce n’est pas la première fois que des militants écologiques se rendent coupables  d’actions de ce type en tentant de se retrancher derrière l’état de nécessité, il y’a quelques années la cour de cassation n’avait pas retenu l’état de nécessité pour des militants qui avaient détruits des parcelles de terres transgéniques et d’OGM et qui avaient invoqué eux aussi la désobéissance civile au nom de la protection de l’environnement;

Vous pensez donc que s’il y a un appel du parquet, il y’a peu de chances que le jugement de relaxe soit confirmé ?

Oui je le pense car, est-ce que l’inaction prétendue de l’Etat, contre le réchauffement climatique justifiait l’infraction du vol du tableau ? Je ne crois pas. Certes, le réchauffement climatique présente incontestablement un danger imminent ou à tout le moins réel pout tout le monde, en revanche le décrochage du tableau et son vol (car les militants ont refusé de le restituer) n’avait rien de nécessaire pour se protéger ou éviter le danger, il s’agit plutôt d’une action symbolique non prévue par la loi pour légitimer une infraction.

En tout cas le magistrat qui a rendu cette décision a été plutôt courageux car en France il y’a déjà eu plusieurs procès analogues de décrocheurs de tableaux présidentiels et ils ont tous été quasiment condamnés.