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Chaque samedi et chaque dimanche, l'avocat Roland Perez fait le point sur vos droits.

Bonjour Roland, les relations entre voisins ne sont pas toujours un fleuve tranquille. Preuve en est cette décision de la cour de cassation somme toute récente, rendue en matière de troubles de voisinage ; dites-nous en plus.
Tout commence en 2013, quand une propriétaire d’un terrain en Corrèze décide pour faire plaisir à son fils de transformer celui-ci en terrain de motocross afin que le jeune garçon et ses amis s’entrainent. Ce qui a eu pour effet de provoquer une gêne sonore certaine et une pollution insupportable pour le propriétaire du terrain voisin, agriculteur, qui est donc venu s’en plaindre en justice.
J’imagine que si la gêne et la pollution étaient avérées, le plaignant a gagné sans mal son procès ?

Détrompez-vous, car en fait le voisin avait demandé juste la cessation des troubles sonores et il n’a pas obtenu gain de cause. Les juges ont estimé que ces troubles sonores n’étaient pas anormaux et résultaient plutôt de la libre utilisation du droit de propriété du voisin.
Et donc l’affaire s’est retrouvée devant la cour d’appel et même certainement devant la Cour de cassation ? Et là que s’est-il passé ?
Le plaignant renforce son dossier pour démontrer que les nuisances sonores dépassent ce qui serait admissible, il explique que la vallée où se trouve le terrain fait caisse de résonance et aussi que les moteurs vrombissent tous les jours et que travaillant sur son terrain comme agriculteur, la gêne sonore est considérable. Il demande même une expertise appuyée en cela par d’autres voisins que le bruit des moteur dérange.
Avant que nous disiez ce qu’a décidé la justice, il serait intéressant de savoir ce que répond la voisine, propriétaire du terrain qui fait tant de bruit ?
Défense courte et incisive : elle dit que ce n’est pas elle qui est à l’origine du bruit allégué, que c’est son fils majeur qui pratique le motocross et que celui-ci n’est pas assigné dans la procédure. Elle ajoute en outre que cette pratique de motocross n’est pas régulière, juste occasionnelle et qu’enfin, rien n’est moins sûr de cette gêne sonore prétendue, car elle dispose aussi de témoignages de voisins qui disent ne pas être gênés par le motocross de son fils et de ses amis.
Vous nous tenez en haleine, qu’ont décidé les Cours d’appel et Cour de cassation dans cette affaire ?
Décisions qui vont toutes les deux dans le même sens, et qui rappellent que "nul doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage". Et donc un propriétaire quel qu’il soit ne peut arguez de son droit de propriété le plus absolu pour se dédouaner des dommages de bruits anormaux causés à ses voisins. Et le fait de dire "c’est pas moi c’est mon fils" est totalement inopérant, d’autant qu’elle est propriétaire du terrain et qu’elle l’a fait spécialement aménagé pour la pratique du motocross par son fils et ses amis.
Et donc l’infortuné voisin qui subissait la gêne a gagné son procès ?
Et bien non. Car la Cour de cassation emboîtant le pas à la Cour d’appel, si la pratique régulière de motocross génère des nuisances sonores, encore faut-il pour celui qui s’en plaint démontrer que ces nuisances sont excessives comme l’exige la loi. Or dans ce dossier hélas, il n’y avait aucun constat d’huissier, mesure technique d’expert qui aurait pu éclairer la justice sur la fréquence, la durée ou l’intensité des nuisances ! Et les témoignages versés aux débats par le plaignants étaient très imprécis.
Pardon mais vous nous aviez pourtant dit que le plaignant avait demandé une expertise, cela aurait pu permettre d’établir l’importance des nuisances ?
Vous avez raison, mais il y’a un principe en droit c’est que ce n’est pas à la justice de suppléer la carence d’un plaignant qui aurait pu fournir dans son dossier, spontanément, les éléments qui établissent l’importance, et la récurrence des nuisances.
C'est effectivement l’enseignement que l’on peut tirer de cette affaire. Merci Roland, à la semaine prochaine.