Natacha Polony, La Revue de presse 11.12..2015 1280x640 6:30
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La presse quotidienne revient jeudi sur la montée du Front national lors de ces élections régionales.

Ce matin en Une de vos journaux on attend désespérément dimanche pour enfin changer de sujet. D’ici là :
Les Echos : Régionales : la France confrontée à l’équation FN.
Le Figaro : Nicolas Sarkozy : nous sommes la seule alternative crédible.
Le Monde : La droite écartelée face au Front national.

Alors il y en a tout de même qui essaient de parler d’autre chose :
Libération : les secrets de la police scientifique.
Le Parisien qui s’interroge sur les bizarreries de la fiscalité en matière de produits de consommation : Les injustices de la TVA.

Donald Trump

Il est amusant de voir comme les journaux développent depuis quelques jours une comparaison subtile entre le milliardaire américain habitué des sorties racistes et Marine Le Pen.
Le Monde cherche donc à comprendre pourquoi le virus Trump contamine peu à peu l’ensemble des postulants à l’investiture du parti républicain. On sent une forme de désarroi devant un phénomène qui résiste aux analyses journalistiques.
D’ailleurs, le titre de Libération le résume : La farce vire au cauchemar. Donald Trump ne fait plus rire et Frédéric Autran note que le vocabulaire de la presse américaine a changé. On ne parle plus de trublion déjanté ou extravagant mais de fasciste dangereux, terrifiant. Mais ce qu’on lit en filigrane dans les articles, c’est surtout le fait que la force de Donald Trump, malgré ses délires,  vient de la détestation qu’il suscite parmi les élites, ses défenseurs du statu quo qui, pour certains Américains, sont forcément financés par des groupes d’intérêts puissants.
Alors en effet, la comparaison avec la France devient intéressante.  

Régionales

On s’était débarrassé de l’expression "race blanche" lancée par Nadine Morano et qui avait rempli la presse pendant plusieurs jours. Elle est de retour.
D’un côté, ceux qui, comme Yves Thréard dans Le Figaro, dénoncent les obsessions de Claude Bartolone qui ne saurait que diviser et insulter.
De l’autre, Laurent Joffrin, dans Libération, qui tente de rattraper le coup : ce n’est pas de sa faute, à l’oral on n’entend pas les guillemets, et bien sûr, il y avait des guillemets, et bien sûr ça change tout. Il a pêché par maladresse mais c’est parce qu’il fait face à des adversaires caricaturaux dans leurs diatribes.
Alors il faut lire l’interview de Laurent Bouvet sur le site Figarovox. Le politologue décrypte les choix du président de l’Assemblée nationale, la façon dont il aurait "favorisé" clairement sur ses listes la mise en avant d’une forme de diversité identitaire qui tranche avec la faible diversité sociale des profils de ses colistiers. Une tactique qui, dit-il, "a forgé une sorte de vision identitaire, assez symétrique à celle du FN, de la politique, réduisant tout ou presque à cette dimension, spécialement la prise en compte des difficultés sociales". Les conséquences se verront dimanche, ou un peu plus tard.

Islamisme

Alors que de nombreux journaux reviennent sur le parcours du troisième djihadiste du Bataclan,
Marianne consacre un article à un documentaire édifiant qui se plonge au cœur du discours intégriste. En Tunisie, au Mali, ce sont des hommes qui racontent les années à prêcher dans les mosquées avant de pouvoir sortir au grand jour et imposer leurs lois. On se félicite du retour des lapidations, on se réjouit des attentats en France. Dans un petit texte, le journaliste Mohamed Sifaoui, qui vit sous protection policière depuis dix ans, dénonce les discours qui surgissent dans la presse française pour distinguer islamisme djihadiste et islamisme quiétiste. Il rappelle que jamais les salafistes prétendument quiétistes n’ont réellement condamné le djihad et qu’il est même consubstantiel à leur pensée. L’ignorer, dit-il, relève de la naïveté, de la méconnaissance du sujet ou de la posture idéologique.

Cinéma

Le Monde consacre un article au débat sur la classification des films en fonction du public auquel ils s’adressent parce qu’une association a obtenu que le film La vie d’Adèle ne soit plus seulement interdit aux moins de 12 ans.
Le Monde s’en indigne expliquant que l’association en question est dirigée par un ex-militant Front national catholique traditionaliste, ce qui, en soi, devrait disqualifier sa cause. Sauf que le réalisateur lui-même, Abdelatif Kechiche, estime qu’il s’agit d’une décision saine et qu’il déconseille personnellement à sa fille de voir le film avant qu’elle n’ait 14 ou 15 ans. Le ministère de la Culture s’est bien sûr pourvu en Cassation, démarche qu’Abdelatif Kechiche juge sans intérêt, mais Rue de Grenelle, on explique que tout cela dépasse les réalisateurs des films concernés. Visiblement, ça dépasse aussi tout parent un peu inquiet de ce que regarde son enfant.

La ville sans hommes

C’est un reportage étonnant dans Marie Claire. On est au Kazakhstan. Le dictateur local a eu l’idée un jour de déplacer la capitale pour l’éloigner des frontières de la Russie. Il a créé Astana, nouvelle mégalopole où sont venus travailler tous les hommes du pays. Reste donc Almaty, l’ancienne capitale, un million d’habitants, en très grande majorité des femmes qui sont restées là. Dans cette société où les mariages sont arrangés avant l’âge de 25 ans, tout à coup, une ville existe grâce aux femmes qui travaillent, s’imposent et s’amusent. Une étonnante oasis.

2016 approche et grâce à Marie Claire, je peux vous annoncer que jusqu’en août vous avez le vent en poupe et l’argent rentrera plus facilement. Marie Claire et tous les autres magazines féminins nous gratifient des incontournables horoscopes de l’année qui vient.
Alors Philosophie Magazine s’est posé la question : pourquoi lisons-nous notre horoscope ? Parce que tout arrive selon le destin, affirme un des fondateurs de l’école stoïcienne, les événements surviennent selon un enchaînement nécessaire. Parce que rien ne nous est plus insupportable que l’insignifiance, nous dit Freud. Nous projetons sur le monde extérieur nos tourments psychiques. Parce que nous sommes hantés par la peur, nous dit le philosophe Thomas Hobbes. L’astrologie soumet les esprits et elle est la continuation de la politique par d’autres moyens. Cela dit, on a trouvé mieux que l’astrologie, ça s’appelle les sondages. Et ça ne nous aide pas davantage à comprendre le réel.