Natacha Polony, La Revue de presse 05.04.2016 1280x640 4:06
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La presse quotidienne revient ce mardi sur l'affaire Panama Papers et sur ce sentiment de révolte qui en découle.

Ce matin en Une de vos journaux la colère domine :
La Dépêche du Midi : Panama Papers : l’onde de choc.
L’Echo de la Haute Vienne : notre argent les engraisse.
L’Humanité : Scandale de Panama : Le butin caché du grand pillage mondial.
Libération : C’est la lutte fiscale.

Pendant ce temps, en France, certains médicaments sont trop chers pour les malades :
Le Parisien : ils vont à l’étranger pour se soigner.

Panama Papers

Les mots ce matin disent l’indignation : Choc violent, nausées, sentiments de révolte, vertiges… Non pas que cela étonne : "ce qui est affligeant, constate même Raymond Couraud dans l’Alsace, c’est que ce tsunami de boue ne surprend finalement pas grand monde. Cela fait longtemps que les stars du sport ont pour devise : l’important c’est de toucher. Une partie du monde de la politique et de l’entreprise ne manque pas une occasion d’afficher son amour de l’argent. Contribuable est un gros mot pour ces personnages méprisants". Sans surprise, l’Humanité cogne tant qu’il peut : "ce sont ces mêmes délinquants en col blanc, aux portefeuilles bien remplis, lance Maud Vergno, qui chasse en meutes les allocations familiales et les RSA. L’évasion fiscale n’est pas un dysfonctionnement mais bien le nerf de la guerre d’une classe sociale mobilisée au-dessus de tous les États pour ne pas contribuer à la solidarité nationale". On peut, bien sûr, s’amuser à la manière du site Slate à dresser la liste de tous les petits services que peut rendre une société écran au Panama. Blanchir l’argent du casse du siècle, celui des 3,5 tonnes d’or de la Brink’s volés à Londres en 1983. Mais surtout, arranger un divorce. Ou du moins éviter qu’il ne coûte trop cher. Mais dans le Figaro, Renaud Girard souligne un point essentiel : la ligne de fractures entre les États de droit et les autres. Il n’y a pas, sans État de droit, de développement économique durable. L’économie de marché sans État de droit c’est la loi de la jungle et le règne des mafias. Et c’est le grand échec, notamment de Vladimir Poutine. Car "le problème de la corruption réside moins dans le montant des pots de vin versés que dans les investissements publics erronés qu’ils suscitent. Tel ministre va décider de la construction d’une infrastructure inutile au développement de son pays, au coût de 200 millions de dollars, uniquement pour toucher sa petite commission de cinq millions". Certains, bien sûr, se réjouissent à l’idée de voir la France rapatrier des capitaux. C’est oublier que la lutte contre les paradis fiscaux profitent surtout à des États-Unis qui ont, depuis longtemps, mis en place une politique d’accueil de ces capitaux. C’est sans doute la raison pour laquelle, Outre Rhin, le Suddeutsche Zeitung souligne que ces révélations sont déjà anciennes et que les noms qui sortent sont ceux qui n’étonneront personne.

Loi El Khomri

Pendant ce temps, la mise aux normes internationales de notre code du travail ne progresse pas aussi vite que le souhaiterait le Figaro. Que va-t-il rester de la loi El Khomri ? se demande le journal. Mais c’est le Parisien qui publie, en exclusivité, le courrier adressé par le syndicat Force Ouvrière à la ministre du travail, l’accusant de n’avoir pas respecté la procédure. Sur le fond, on acquiesce et l’on se demande même comment un gouvernement peut accumuler de telles bourdes, mais sur la forme il y a comme un problème : "Nous n’avons pas été concertés sur l’intégralité du projet de loi" se plaint Jean Claude Mailly qui, donc, pour sa part, n’a pas franchement respecté la grammaire.

Recrutement dans l’armée

C’est un article dans l’Opinion qui nous raconte comment l’armée française parvient à recruter beaucoup plus que ses homologues britanniques ou américains. Comble du luxe, l’armée de terre a deux candidats pour chaque poste et le mouvement s’est amplifié depuis la vague d’attentats de 2015. Mais le deuxième facteur de motivation aurait de quoi inquiéter : la difficulté d’entrée dans la vie active pour les jeunes. Pour autant le général en charge du recrutement dans l’armée de terre explique que nombre de recrues ne restent pas. L’armée aurait même du mal à retenir ces jeunes, plus de six ans en moyenne. Pourquoi ? "Lorsqu’ils arrivent chez nous, c’est souvent une sorte de choc thermique. D’abord ils découvrent la promiscuité dans des chambres de 6 et pour beaucoup c’est un vrai traumatisme. D’autant plus qu’ils n’ont plus un accès permanent à leur portable". Dernier point délicat : les familles. "Les pères des engagés n’ont plus l’expérience du service militaire et l’armée suscite encore beaucoup de fantasme". Ce que nous craignons le plus, c’est l’appel à la maman au bout de la première semaine qui dit à son fils : "si c’est trop dur, rentre à la maison". On est fier que Choupinet veuille servir le pays, mais pas trop.

Immortalité

Le magazine Usbek et Rica nous présente un robot d’un genre nouveau. Un buste de femme qui parle, suit une conversation. Elle s’appelle Bina 48. Elle est une commande de Martine Rothblat, la dirigeante d’entreprise la mieux payée aux État-Unis en 2013 et 2014. Sa société United Therapeutics veut promouvoir l’extension de l’espérance de vie humaine, notamment via la cyberconscience. Bina 48 est donc le résultat du téléchargement de tous les souvenirs de Bina Aspen, l’épouse de Martine Rothblat. L’idée est de prolonger la vie d’un être humain à travers la préservation des souvenirs qui font son être même. Sur la photo, le buste ressemble à une de ces têtes d’animaux empaillés. Et c’est peut être ça notre rêve d’immortalité, conserver l’être aimé comme on fait empailler un chien qu’on a adoré.

 

Et comme le monde est merveilleux, Usbek et Rica nous apprend aussi qu’un commerce s’est développé en Asie. Ça a commencé comme une blague. Deux jeunes canadiens ont mis en vente sur Ebay en 2044 une poche d’air pur recueilli dans les rocheuses canadiennes. Elle trouve preneur pour un euro. La deuxième se vend 160 dollars. Les deux étudiants créent alors une startup et les commandes affluent de Turquie, de Taïwan et d’Israël. Aujourd’hui, des milliers de chinois s’achètent des bouteilles permettant de respirer 80 ou 150 bouffées de la meilleure qualité au monde. On peut même choisir son cru, avec deux sites des rocheuses. Une bouffée d’air frais en poche. On peut en offrir à un système au bord de la suffocation ? Ça s’appelle Nuit Debout…

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