Laurent Pinatel : "En France, on mange de la viande qu'on ne produit pas"

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Laurent Pinatel, porte-parole de la Confédération Paysanne, revient sur la colère des éleveurs et le plan d'urgence présenté par le gouvernement ce mercredi.  

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Blocages d'autoroutes et de sites touristiques par des éleveurs en colère depuis dimanche, un ministre de l'Agriculture en déplacement à Caen mardi pour calmer les ardeurs avant l'annonce de mesures en conseil des ministres mercredi… la crise atteint son paroxysme dans le monde agricole français. Laurent Pinatel, éleveur bovin et porte-parole de la Confédération paysanne, était mercredi l'invité d'Europe 1. Il revient sur la mobilisation des éleveurs qui ne supportent plus les prix bas auxquels leur lait ou leur viande est acheté.

Les mesures actuelles ? "Du gaspillage". Le plan du gouvernement doit être dévoilé mercredi matin. Il devrait comporter des délais supplémentaires accordés aux éleveurs en difficulté pour payer leurs impôts ou encore la possibilité de ré-échelonner leur dette. "Des mesures attendues puisqu'à chaque crise, on nous propose ça", explique Laurent Pinatel. Selon lui, un rapport de la Cour des Comptes a avancé que, depuis 2006, "on a englouti je-ne-sais-combien de milliards dans des plans d'urgence pour, en fait, ne rien changer puisque les crises sont cycliques".

C'est "le système actuel" qui ne "va pas", estime Laurent Pinatel. Les mesures d'aide du gouvernement sont "du gaspillage si elles ne sont pas accompagnées d'un plan à plus long terme". Elle sont quand même "indispensables contre les difficultés immédiates", ajoute-t-il.

Faire concorder "l'offre et la demande". "En 20 ans, on est passé d'un million de paysans à 400.000", rappelle ce responsable syndical. Quelles mesures prendre pour guérir définitivement le monde agricole ? Le gouvernement souhaite revaloriser la viande française notamment en la proposant dans les cantines scolaires, les collectivités locales. "Des mesures au milieu du gué", tranche Laurent Pinatel qui estime qu'en France, "on produit de la viande qu'on ne consomme pas et qui part sur des marchés d'export".

Laurent Pinatel souhaiterait plutôt que la France produise "plus de viande rouge" faite à partir "d'animaux engraissés à base d'herbe", un choix qui n'a pas été fait depuis le début du mandat du président François Hollande et qui nécessite de nouvelles aides, ce mode d'élevage coûtant plus cher, explique Laurent Pinatel. Il s'agit d'instaurer "une adéquation entre l'offre et la demande".

Enfin, la Confédération paysanne ne veut pas plus d'argent mais plutôt "une meilleure répartition" puisque l'industrie agro-industrielle "se gave sur le dos des paysans".

"Oui" à plus de valeur ajoutée. Un problème de compétitivité ? "On entend beaucoup ça dans la bouche des représentants de la FNSEA", estime Laurent Pinatel. "Cela veut dire avoir moins de charges, est-ce que ça veut dire que les paysans vont moins cotiser et avoir moins de retraite derrière ? Est-ce que ça veut dire prendre des parts de marché à l'Allemagne et vendre du lait moins cher ?", interpelle l'éleveur. "Nous, il nous semble que la compétitivité, ce n'est pas ça", conclut-il et de plaider plutôt pour de "la valeur ajoutée" et d'"emplois".