Jamel : "Laissons les imbéciles raconter n'importe quoi"

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"Il y a du racisme en France mais je sais que la France n'est absolument pas raciste", affirme Jamel après la une de Minute sur Taubira.

Jamel Debbouze, acteur

Ses principales déclarations.

On sait que vous êtes très attaché à la liberté d'expression. Quand un journal, Minute, fait sa une sur Christiane Taubira en titrant, "Maline comme un singe, Christiane Taubira retrouve la banane", qu'est-ce que ça vous inspire ?

« Ça me conforte dans l'idée que ce sont des débiles mentaux. Je n'ai même pas d'avis tant j'estime que ça ne mérite pas qu'on en parle. Je sais que la France n'est pas raciste, même s'il y a du racisme. Il y a une vraie nuance. »

Mais elle est où cette nuance ? Tout le monde dit que le climat de racisme est en train de monter. Vous ne le sentez pas, ça ?

« Non, non. Je fais le tour de la France avec mon spectacle. Evidemment, on est à l'aube des élections municipales, tout le monde s'énerve, sort l'artillerie lourde, on a l'habitude. La veille de la chasse, les sangliers se cachent. On sait très bien que c'est leur méthode et que dans 6 mois, ils passeront à l'uranium enrichi ou à Wimbledon avec une facilité déconcertante. Je pense que c'est le moment, que ça va s'atténuer, et je pense que les médias auront envie de parler d'autre chose. Parce que malgré tout, c'est quand même un peu eux qui filent le bâton. S'ils n'en parlaient pas, on n'en parlerait pas. »

Alors quand Manuel Valls annonce qu'il va étudier les moyens d'agir contre la diffusion de Minute, en clair, qu'il va essayer de le faire interdire, c'est pas la bonne méthode selon vous, il se trompe ?

« Ce serait dommage, on pourrait pas se rendre compte qu'ils sont cons, débiles, et ça viendrait discuter la liberté d'expression. Non, franchement, laissons les imbéciles dire tout et n'importe quoi et ne leur accordons pas d'importance. Non, que ce soit Minute ou Jean-Marine Le Pen, juste le fait de les citer, ça m'énerve ! J'ai l'impression de leur rendre service. »

Et vous n'avez pas l'impression que parfois des politiques leur rendent service ? La droite, la gauche, Jean-François Copé et ses pains au chocolat, Jean-Marc Ayrault et François Hollande qui ont mis longtemps à réagir quand une candidate du FN a traité Taubira de guenon la première fois.

« Je ne suis pas à leur place mais j'ai le sentiment qu'ils se sont dit : "On va pas parler de cette débile mentale". Parce que ça reste une débile mentale, cette personne qui a dit cette phrase à la ministre. C'est une tarée. Il ne faut pas lui donner d'importance. A la veille de chaque élection, le climat se tend et c'est les immigrés qui trinquent. Non, vraiment, je pense que tout le monde devrait s'atteler à trouver des solutions pour atténuer le chômage parce que je suis convaincu qu'un raciste, pour 750 €, il change d'avis. »

Que dites-vous aux 15-25% de Français qui sont tentés par le vote Front national aujourd'hui ? Vous leur parlez, vous les combattez, vous leur tendez la main ?

« Je peux comprendre que lorsqu'on arrive plus à nourrir sa famille, qu'on arrive plus à payer son loyer, quand on est pris au dépourvu, on crie de toutes ses forces, on tape de toutes ses forces, on fait tout et n'importe quoi pour trouver une solution. Mais si j'ai un truc à leur dire, c'est que la solution ne se trouve pas dans les extrêmes, loin de là. L'immigration est une bonne nouvelle pour la France, elle rapporte de l'argent à la France. On peut pas lutter contre son immigration, c'est débile, c'est se tirer une balle dans la jambe. Je ne me considère pas comme immigré. Je suis né en France, je suis Français. Je suis fils d'immigrés, c'est le seul lien que j'ai avec l'immigration. Je trouve schizophrène d'avoir à se justifier d'habiter dans son propre pays. »

C'est plus facile quand on s'appelle Jamel et qu'on est à la une que lorsqu'on est dans une cité et qu'on a pas de boulot.

« Evidemment, je suis conscient d'être l'un des Arabes les mieux lotis de France, si c'est ça que vous voulez dire. Mais je suis complètement conscient de ce qui se passe dans mon pays. Et je sais que ces injustices, ces inégalités-là, elles sont alimentées par une certaine presse qui en a besoin pour vendre son papier ou pour faire de l'audience. Le catastrophisme, la flippe, c'est un argument de vente terrible et on peut rien y faire. Là, j'aurais envie de dire, calmos. Parce que c'est faux, tout ça. Allez dans la Creuse ! Evidemment, dans les campagnes, il y a du racisme parce qu'ils n'ont jamais eu affaire à des étrangers. Parce qu'une fois qu'ils font connaissance, la question ne se pose plus. La France doit faire connaissance avec elle-même et les choses s'atténueront.Et je supplie le gouvernement de trouver des solutions pour le chômage, parce que ça aussi ça réglera des choses. »

Vous jouez dans un film qui sortira fin novembre, La Marche, allusion à la marche des Beurs lancée en 1983 par des jeunes de la cité des Minguettes à Lyon...

« C'a été une récupération médiatique. C'a pas été une marche des Beurs du tout mais une marche pour l'égalité et contre le racisme. C'a été initié par un jeune Arabe, Toumi Djaïdja, qui a reçu une balle et qui, au lieu de riposter violemment, a décidé de monter une marche pacifique et de traverser toute la France pour crier son amour pour ce pays. C'était pas la marche des Beurs mais la marche pour l'égalité et contre le racisme. »

Trente ans plus tard, vous vous dites quoi ? Que tout ça n'a servi à rien, quand on voit l'actualité, ce dont on parle ?

« Mais non ! Franchement, sans vouloir être méchant, c'est débile de donner du crédit à tout ça. Il y a trente ans, tous les deux jours, il y a un Maghrébin qui mourait sous le coup des balles. Trente ans après, et ben, on meurt un peu moins. C'est pas mal, déjà, comme avancée. »

Desproges, Coluche riaient de tout. Est-ce qu'aujourd'hui on peut encore et on doit encore rire de tout ?

« Evidemment. Il faut rire de tout absolument. Tout le monde doit rire de tout. De soi, d'abord. C'est la plus grande preuve d'intelligence, de rire. D'abord, parce que ça permet de pas tomber malade. Alors après, je gère toujours les susceptibilités, je ris pas avec n'importe qui. Mais je pense que je peux rire de tout. Un conseil, la prochaine fois, tu passes par ma meuf pour avoir une interview. C’est un conseil. T’oublies son numéro. »