Jean-François Copé : "Le pacte de responsabilité, une potion dite magique dans une marmite joliment présentée"

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SAISON 2013 - 2014, modifié à

Ce matin à 8h20, Europe 1 recevait Jean-François Copé, président de l’UMP. Il a donné son point de vue sur le rachat d'Alstom, ainsi que sur le pacte de responsabilité.

Ses principales déclarations :

 

A propos d'Alstom. Si vous gouverniez, quel serait votre  choix ?

"C'est un sujet extrêmement grave, hélas une illustration supplémentaire du décrochage de la France. Après Lafarge, Peugeot, Publicis, une nouvelle entreprise ô combien emblématiques des fleurons industriels de la France est en train de passer sous un autre pavillon avec un Etat dont on attend qu'il soit stratège et qui se comporte comme un pompier pyromane. En réalité, de ce que je comprends, il n'y a pas 36.000 choix : il n'y a qu'une seule offre, celle de GE. Siemens ? Est-ce une offre ? Je n'en suis pas sûr. J'entends plutôt parler d'une lettre d'intention que Siemens, concurrent historique d'Alstom, envoie en se disant "Pourquoi pas". Je veux rappeler que nous sommes dans la dernière ligne droite : on nous parle de 48h. M. Montebourg se propose de faire un marathon de 48 heures. C'est pour ça que je répète : nous avons besoin d'un Etat stratège, mais nous avons un Etat qui veut jouer les pompiers. Ca fait des mois que ce dossier est connu ; que l'on peut imaginer que dès lors que Bouygues veut sortir du capital pour les raisons qu'on connait - le fiasco de l'opération SFR - nous nous trouvons dans une situation d'impasse."

Votre choix serait donc GE ?

 

"Encore une fois, c'est aujourd'hui la seule offre concrète : elle pose le problème qu'Alstom ne serait plus une entreprise française là où j'aurais préféré qu'Alstom, qui a besoin d'élargir son capital, trouve une solution européenne. On ne peut pas dire que Siemens soit la solution européenne : ce n'est pas une solution mais une lettre d'intention ! On n'imagine pas que les choses soient réglées en 48h."

Le Président va recevoir le N°1 de GE dans une heure avec trois principes : créer des emplois, maintenir les centres de décision en France et l'indépendance de l'industrie nucléaire...

"C'est la moindre des choses sur le principe ! Simplement, quel est le pouvoir dont dispose l'Etat pour imposer ses conditions ?"

Demandez-vous à l'Etat de recapitaliser ou nationaliser ?

"L'Etat n'en a pas les moyens, sauf à faire d'autres arbitrages. Mais je dis que ce gouvernement avec M. Montebourg a sa tête a géré ce dossier avec une très grande légèreté. Ce n'est pas qu'un jugement politique : à un moment, on doit aller au résultat ! Voilà deux ans que ce gouvernement nous fait des moulinets avec les bras tandis que les fiascos et échecs industriels s'accumulent ! Comment voulez-vous me demander, à 48h d'une échéance, de délivrer un satisfecit sur un dossier géré avec la plus grande légèreté concernant un fleuron industriel ?"

Le Président va aussi recevoir les dirigeants de Siemens...

"Mais vous voyez bien que le choix est extrêmement étroit ! Il aurait mieux valu réfléchir à un procès industriel à caractère européen qui permette à Alstom qui n'est pas, je le rappelle, dans la même difficulté financière qu'en 2004 quand Nicolas Sarkozy l'a sauvée, d'élargir sa base capitalistique. Or cela se fait dans l'urgence alors qu'on aurait besoin d'une vision, d'une stratégie pour cette grande entreprise."

Siemens : l'engagement de ne pas supprimer d'emplois dans les 3 ans... Mais après ?

"On connait la fragilité de ces engagements sur l'emploi. Peut-on dire qu'Arcelor Mittal  a tenu tous ses engagements ? Malheureusement non."

Alstom est fichu ?

"Je n'espère pas."

Pour vous, quelle est la solution ?

"La solution est de changer d'urgence de politique économique, politique qui continue à plomber notre compétitivité."

 

Ca ne donnera pas la solution pour Alstom...

 

"L'actualité commande que des hommes politiques, y compris dans l'opposition, emmènent pour le bien-être de la reprise de la journée, la solution miracle sur un sujet qui aurait dû être traité depuis des mois."

 

On peut vous appeler à la responsabilité...

"Parce que vous m'appelez à la responsabilité, je vous dis qu'aujourd'hui malheureusement une bonne partie du lait est renversée ! Le problème est que nous devons  changer de politique économique."

Allez-vous voter le pacte de responsabilité ?

"Malheureusement ce pacte est une illusion d'optique : après 2 ans de politique désastreuse, on nous présente une potion dite magique dans une marmite joliment présentée ! Plus personne ne regarde le contenu de la potion ! Quand vous regardez ce plan, qu'y a t-il dedans ? Rationnement, gestion de la pénurie mais pas de réforme, pas de changement de modèle !"

Vous ne vous abstiendrez pas ; vous ne le voterez pas et le rejetterez...

"Et je l'expliquerai demain à la tribune de l'Assemblée : je dirai pourquoi je considère irresponsable de se contenter simplement de geler les traitements des fonctionnaires alors que dans le même temps on annonce des dizaines de milliers d'embauches dans la fonction publique, irresponsable de geler les retraites tout en faisant d'ailleurs des concessions à l'extrême gauche sans faire de réforme des retraites... Et que du coup ça n'est que de la gestion de pénurie au détriment du pouvoir d'achat des Français sans réforme de structure."

Quel est le plan alternatif de l'UMP ? 50 milliards n'est pas suffisant ?

"Bien sûr que non... Nous l'avons dit : à l'UMP, nous avons acté il y a deux mois un programme où l'on dit qu'il faut revenir à la moyenne européenne sur les dépenses publiques, 50%. 130 milliards."

Où les trouver ?

"Tout simplement en changeant de modèle économique. On ne peut pas simplement geler les traitements et raboter. Il faut changer le modèle. Quelle est l'idée ? Nous portons des chaînes que l'œil ne veut pas voir : ce sont les 35h qu'on ne veut pas supprimer..."

Que vous n'avez pas supprimées !

"Ça fait deux ans ! Vous allez me poser la question pendant 25 ans ? Ok ! On regarde l'avenir, on a tiré des enseignements de tout ça."

Vous vous engagez à les supprimer ?

"Bien sûr ! Les 35h qu'on n'a pas supprimées, les impôts et charges qui ont augmenté, qui étouffent les Français, les réglementations, le code des impôts, du travail, et les contrôles d'URSSAF, des impôts, qui bloquent le pays... Ces chaînes, il faut les enlever, il faut libérer les Français, c'est seulement par la liberté économique que l'on pourra redonner de l'oxygène."

 

Si Manuel Valls n'obtient pas la majorité, vous demanderez la dissolution ?

"Il la trouvera, sa majorité ! Arrêtons de créer de vrais faux suspenses ! Les députés PS, d'une manière ou d'une autre, vont évidemment lui donner sa majorité : comme sous la IVème République, M. Valls passe ses journées à recevoir les sous-courants du PS pour trouver les  concessions qui vont bien."

Valls, Ayrault bis ?

"Je le répète : mon problème n'est pas là ! C'est une illusion d'optique ce qu'on présente aux Français, et j'en suis bien malheureux, je préfèrerais pour notre pays une vraie réforme de structure de notre modèle. Après 2 ans de fiasco... Arrêtons de nous goberger toutes les deux secondes en disant : c'est formidable, M. Valls arrive, il vient sauver la France ! De quoi s'agit-il ? Il a, en tout et pour tout, raboté pour trois ans la progression des traitements des fonctionnaires."

Entre Bertrand, Guaino, et beaucoup d'autres qui s'éloignent de la ligne pro-Europe de l'UMP, comment mettre en avant le slogan de l'UMP "Pour la France, agir en Europe" ? Vous êtes divisés ?

 

"Une chose est l'affichage, une autre est de regarder le contenu. Quand vous lisez les prises de positions des uns et des autres, vous vous rendez compte qu'il y a bien une ligne majoritaire, celle adoptée à une écrasante majorité. Quand vous lisez le texte que beaucoup ont signé, j'en ai eu beaucoup au téléphone, ils me disent : "En réalité, ça correspond très largement au programme de l'UMP !" Une chose est d'afficher de façon un peu marketing une volonté de différence, une autre est de regarder le fond ! Quel est le credo que je défends ? C'est de dire que nous sommes profondément européens mais que l'Europe que nous voulons, et c'est la différence avec Le Pen, c'est une Europe qui doit profondément se réformer autour d'une idée simple : c’est l'Europe à géométrie variable, c'est l'Europe des résultats, pas celle des contraintes et des réglementations ! Sur le plan industriel, on parlait d'Alstom, c'est le meilleur exemple de la géométrie variable : mettons-nous d'accord à plusieurs !"