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Chaque samedi, François Clemenceau, rédacteur en chef au "Journal du dimanche", revient sur un événement international.

Avec vous, François, on s’intéresse ce matin à cette Marche pour les femmes qui va à nouveau s’emparer cet après-midi des rues des plus grandes villes des Etats-Unis. Il y a deux ans, au lendemain de l’investiture de Donald Trump, leur manifestation avait été un immense succès. Qu’ont-elles à espérer de plus aujourd’hui ?

C’est vrai que lorsque vous lancez ce genre de marche aux Etats-Unis, vous avez intérêt à ce que cela devienne un phénomène qui mobilise de plus en plus crescendo, sinon vous prenez le risque de l’essoufflement et du désintérêt dans un pays où l’on manifeste très peu. Dans l’histoire récente, à part les marches pour les droits civiques du temps de Luther King, celles contre la guerre au Vietnam puis plus tard en Irak, les sit-in du mouvement Occupy Wall Street, aucun mouvement social fort n’a réussi à mettre dans la rue plus d’un million de personnes sur la durée. Sauf un, cette Marche pour les Femmes. Il faut dire qu’il y a deux ans vous aviez le télescopage de deux évènements majeurs qui ont profondément traumatisé les femmes américaines : le scandale Weinstein qui a donné naissance au mouvement #Metoo et l’élection de Donald Trump, l’un des présidents les plus ouvertement misogynes que le pays ait connu. Et donc, si la Marche des Femmes prend le risque aujourd’hui, comme l’année dernière de voir les foules moins nombreuses, c’est parce que ses responsables estiment que la cause à défendre est toujours là.

C’est-à-dire ?

C’est-à-dire que Donald Trump n’a pas été effrayé deux secondes par cette mobilisation. Il a maintenu un agenda politique qui s’en prend progressivement aux droits des femmes. Par exemple en diminuant les fonds fédéraux dirigés vers les agences de Planning familial, en supprimant carrément les fonds publics des ONG américaines qui font campagne en Afrique pour la contraception et le droit à l’avortement. Mais aussi en suspendant la directive prise par Barack Obama en faveur d’un salaire égal pour les femmes et les hommes à travail égal, en proposant de supprimer l’aide légale gratuite pour les victimes de viol sur les campus ou en appuyant jusqu’au bout la nomination et la validation du juge Kavannaught à la Cour Suprême alors que plusieurs femmes l’accusent d’agression sexuelle lorsqu’il était jeune.

Sauf que les Démocrates ont repris la Chambre des Représentants, peut-être que Donald Trump a moins de marge de manœuvre sur ce sujet…

C’est vrai, d’autant qu’il n’y a jamais eu autant de femmes élues au Congrès, 106 sur 441, autrement dit un quart dont, tenez-vous bien, 90% sont démocrates. Mais la difficulté, c’est que Donald Trump lui se projette déjà dans l’après 2020, c’est-à-dire dans son deuxième mandat. Peu importe qu’il soit gêné aux entournures d’ici là, ce qui compte c’est d’être réélu. Or si 65% des femmes désapprouvent la présidence de Donald Trump, son taux de popularité chez les électrices républicaines est de 93%. C’est un socle de campagne énorme et donc un risque de radicalisation également sur cette thématique.