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Le lent démarrage de la campagne de vaccination met l'accent sur le manque de capacité de notre industrie des médicaments à faire face à la pandémie. Nicolas Barré fait le point sur une question d'actualité économique.

Le lent démarrage de la campagne de vaccination masque un enjeu majeur dont on parle moins : la capacité de notre industrie des médicaments à faire face à la pandémie.

C’est un enjeu de politique industrielle crucial en effet pour l’Europe. On sait qu’il y aura d’autres pandémies. Ce sont les experts du Giec de la biodiversité qui l’affirment "Les pandémies futures vont apparaître plus souvent, se propageront plus rapidement… et tueront plus de personnes que le Covid-19". Bref, on ne saurait mieux dire à quel point l’industrie des sciences de la vie devrait être une priorité absolue. L’épidémie de Covid a révélé à quel point nous manquions de capacités de production sur notre sol.

Ce qui manque, c’est une stratégie industrielle volontariste à l’américaine ou à la chinoise.

Dans ces deux cas, il y a eu une très forte impulsion de l’Etat, avec des moyens financiers importants assortis de conditions imposées aux industriels : produire sur place. Le Royaume-Uni, à son échelle, a fait un peu la même chose en associant un industriel, AstraZenecca, qui n’avait pas de compétence particulière dans les vaccins mais qui sait produire des médicaments en grande quantité, et l’université d’Oxford pour concevoir un vaccin à base d’adenovirus. C’était typiquement un choix de politique industrielle de la part du gouvernement britannique. Pourquoi ? Parce que cette technologie de l’adenovirus, qui n’a rien d’exceptionnel, est rapide à mettre au point et rapide à produire en masse. Autrement dit, c’était un bon pari pour faire en sorte que nous puissions disposer rapidement d’un vaccin conçu et produit en Europe. Et que nous ne soyons pas dépendants uniquement de livraisons provenant de pays tiers.

En clair, l’Europe doit avoir une industrie du médicament forte sur son sol.

Un exemple : nous ne produisons en France que 5% des médicaments biologiques dont nous avons besoin -il s’agit de ces médicaments issus des biotechnologies, en plein essor, notamment pour lutter contre le cancer. Pourquoi si peu ? Ce n’est pas une question de technologie ! C’est juste que nous manquons de sites industriels pour les produire. Il y a dix ans, nous étions le premier fabricant de médicaments en Europe, tous types de médicaments confondus. Nous sommes aujourd’hui le 4e. Mais plus largement, c’est toute l’Europe qui produit moins et importe plus. Cette dépendance résulte de l’absence de politique industrielle alors que les États-Unis, la Chine ou dans une moindre mesure la Russie sont beaucoup plus volontaristes. Si la crise du Covid permet un sursaut de notre industrie des sciences de la vie, elle aura été salutaire.