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Chaque matin, Nicolas Barré fait le point sur une question d'actualité économique.

Peut-on encore vendre des armes à l’Arabie Saoudite ? Sous la pression de l’opinion, l’Allemagne dit non. Mais du coup, elle bloque ceux qui voudraient continuer à le faire.

En matière de vente d’armes, c’est toujours compliqué de concilier le business et la morale. Or, les pays européens sont confrontés à un cas d’école qui crée d’énormes tensions entre Berlin d’un côté, Londres et Paris de l’autre. À Berlin, on trouve qu’il est immoral de vendre des armes aux Saoudiens depuis l’assassinat épouvantable de Jamal Kashoggi. C’est le choix des Allemands, sauf que l’industrie allemande fabrique des pièces qui entrent dans la fabrication d’armes britanniques ou françaises. La décision unilatérale d’Angela Merkel, prise sans prévenir les autres pays européens, bloque ces livraisons de pièces et compromet des contrats déjà signés avec les Saoudiens. Les Français et les Britanniques s’étranglent. Le ministre britannique des Affaires étrangères parle d’un "manque de loyauté" de Berlin. La France accuse l’Allemagne de démagogie. C’est la guerre des mots.

Il faut dire que les enjeux sont gigantesques.

Prenez le cas des Britanniques. Ils ont conclu deux énormes contrats pour la vente d’avions de combat aux Saoudiens. Un premier, il y a deux ans, dont les livraisons sont en cours, portant sur 72 Eurofighters. Un deuxième pour 48 supplémentaires, de plusieurs dizaines de milliards de livres, est en train d’être finalisé. Or, ces avions produits par le groupe de défense BAE ne peuvent être livrés sans les fameuses pièces fabriquées outre-Rhin. Un jour, Tom Enders, le patron sortant d’Airbus, qui est allemand, avait dit : "à cause d’une petite pièce allemande, Berlin peut bloquer la vente d’hélicoptères français, ça me rend fou". Nous y sommes. D’autres armes sont aussi concernées, comme par exemple les missiles de MBDA, filiale d’Airbus.

C’est toute l’industrie de défense européenne qui est bloquée par cette décision allemande de ne plus vendre aux Saoudiens.

Oui et s’il y avait une position diplomatique commune des Européens sur le sujet, les choses seraient claires : on déciderait tous de boycotter ou pas l’Arabie Saoudite. Mais là, l’Europe se divise et du coup s’affaiblit. C’est un exemple de plus qui montre que sur ces sujets stratégiques, si nous voulons compter dans le monde, nous avons intérêt à jouer ensemble et pas les uns contre les autres.