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Le gouvernement tente de peser pour éviter la fermeture de l'usine Bridgestone de Béthune qui subit de plein fouet la concurrence chinoise que l’on a laissée s’installer sur le segment des pneus de moyenne gamme. Nicolas Barré fait le point sur une question d'actualité économique.

Deux ministres se rendent aujourd’hui dans l’usine de pneumatiques de Bridgestone à Béthune, dans les Hauts-de-France. Le gouvernement tente de peser sur le destin de cette usine que la direction voudrait fermer.

C’est un classique : une usine ferme, les pouvoirs publics s’insurgent, les élus locaux assurent qu’ils ne laisseront pas faire et le parti communiste réclame la nationalisation. C’est exactement ce qui s’est passé depuis l’annonce de la fermeture totale du site mercredi dernier.  Mais il y a dans tout ça beaucoup d’hypocrisie. D’abord et avant tout parce que si l’usine de Béthune est condamnée, c’est parce qu’elle subit de plein fouet la concurrence chinoise que l’on a laissée s’installer sur le segment des pneus de moyenne gamme. Cela fait des années que les géants européens du pneu comme Michelin ou Continental en Allemagne alertent sur le dumping chinois. Réclament des enquêtes car ils ne se battent pas à armes égales. Dénoncent les barrières et le pillage technologique qui existe en Chine alors que le marché européen est grand ouvert. Les Chinois ont bâti en vingt ans une industrie du pneu qui aujourd’hui est massivement excédentaire. Leur seule planche de salut, c’est d’inonder les marchés occidentaux. 

C’est ce qu’ils font depuis le début des années 2000. 

Oui, voilà pourquoi ce qui se passe à Béthune est tout sauf une surprise. L’Europe est une cible. Pékin a identifié quelques secteurs clés dans lesquels il vise la domination mondiale. L’industrie du pneumatique en fait partie. En 2015, les Européens ont laissé s’introduire en Europe un cheval de Troie chinois: la société chinoise ChemChina est devenue cette année-là l’actionnaire principal de Pirelli, le numéro 3 du pneu européen. ChemChina, ce n’est pas rien: c’est une société d’Etat dirigée par un haut cadre du parti communiste, un géant de la chimie qui a aussi racheté en 2016 le groupe suisse Syngenta, l’un des leaders mondiaux des semences pour l’agriculture. Secteur stratégique également. La fermeture de Béthune, c’est la conséquence d’un plan de conquête rondement mené depuis plusieurs années par l’industrie chinoise.

On se réveille trop tard ?

On peut toujours imaginer qu’avec beaucoup d’argent (on dit qu’il faudrait investir 200 millions d’euros, c’est gigantesque), on pourrait sauver le site. Mais alors se poserait une autre question que personne ne pose : pourquoi aider un groupe japonais avec l’argent du contribuable alors que nous avons un champion français, Michelin, qui est confronté lui aussi aux mêmes défis ? Allez demander ce que l’on en pense à La Roche-sur-Yon en Vendée, où Michelin est en train de fermer en ce moment même une usine qui employait plus de 600 personnes. Avant d’aider le concurrent japonais de Michelin, peut-être faudrait-il voir plus large et se demander comment sauver toute l’industrie européenne du pneu menacée par une concurrence déloyale.