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Chaque matin, Nicolas Barré fait le point sur une question d'actualité économique.

Les dirigeants économiques européens s’engagent contre la montée du nationalisme et du populisme à l’approche du scrutin européen, et tout particulièrement en Allemagne ?

Effectivement, partout en Europe, les dirigeants économiques s’inquiètent d’un repli européen mais c’est en Allemagne qu’ils osent le dire le plus ouvertement. La compagnie aérienne Lufthansa, par exemple, qui a tout à perdre d’un repli sur les frontières nationales, a fait peindre en grosses lettres sur un de ses Airbus ce slogan politique, en anglais : "Say yes to Europe", c’est du jamais vu, un avion transformé en panneau électoral volant ! Les quatre grandes fédérations patronales allemandes ont publié une déclaration commune, c’est rarissime, pour dire que ces élections allaient déterminer "l’avenir de l’Europe" et surtout que, "des millions d’emplois dépendent du commerce entre les pays européens".

Le risque qu’ils voient, c’est que les partis populistes remettent en cause le marché unique ?

Exactement et en cela, les patrons allemands pensent exactement la même chose que leurs homologues français ou italiens. Ce qu’il faut bien voir, c’est que nous Français, comme les Allemands, les Italiens, les Espagnols, nous faisons plus de la moitié, souvent les deux-tiers de nos échanges, avec nos voisins européens. Ça, c’est grâce au marché unique. C’est ce fameux marché unique qui permet aux entreprises européennes de bénéficier d’une base naturelle plus importante que chaque marché national. Et donc de rivaliser avec, par exemple, des entreprises américaines qui ont naturellement accès à un marché domestique très vaste. Tout ce qui, sous les coups de butoir des partis nationalistes, porterait atteinte au fonctionnement du marché unique européen serait mauvais pour l’économie : c’est ça le message des dirigeants économiques européens. J’ajoute que c’est pour la même raison que l’immense majorité du patronat britannique est catastrophé par le Brexit.

En France, en revanche, on n’entend pas beaucoup le patronat faire campagne pour l’Europe ?

C’est vrai que les dirigeants économiques sont plutôt discrets, même si le président du Medef affiche clairement son engagement pro-européen. Les patrons considèrent en général que s’ils prennent position, ce sera contre-productif. Mais quand vous parlez avec eux, l’immense majorité disent que sans l’Europe, nous serions balayés par les États-Unis, la Chine et d’autres. Et que nous devrions renouer d’urgence avec de grands plans industriels européens comme lorsqu’on a créé Airbus, mais cette fois dans les robots, les biomatériaux, les moteurs à hydrogène et j’en passe. Car dans tous ces domaines, les Américains et les Chinois ont des plans massifs. Ce n’est pas en tirant que l’Europe, comme le font les partis nationaux-populistes, que l’on enrayera son déclin économique, cela ne fera que l’accélérer : voilà au fond le message des milieux économiques.