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Chaque matin, Nicolas Barré fait le point sur une question d'actualité économique.

Le projet agace au plus haut point le patronat: le président de la République veut un système de bonus-malus pour freiner le recours aux CDD.

Oui, vous savez qu’en France, la majorité des embauches, se fait encore en CDD: les CDD de moins d’un mois, donc sont qui sont vraiment très courts, représentent les deux tiers des embauches! D’où l’idée, un peu simpliste, de les pénaliser pour qu’il y ait plus d’embauches en CDI. Je dis simpliste parce qu’en croyant bien faire, on risque d’aggraver les choses. Un exemple: le CDD est souvent utilisé comme période d’essai pour tester quelqu’un. Pourquoi? Parce que les entreprises ont peur, si elles embauchent en CDI avec une période d’essai trop courte, de ne pas avoir assez de temps pour se rendre compte de la valeur des gens.

On a là un effet pervers typique du marché du travail français : en voulant bien faire, c’est à dire en sur-protégeant ceux qui sont en CDI, on encourage, sans l’avoir vraiment voulu, les CDD.

Le système de bonus-malus doit justement corriger ça. Et c’était une promesse de campagne du candidat Macron.

Vous avez tout à fait raison, c’était dans son programme. Le patronat espérait y échapper. Mais non: le président veut vraiment le faire, il l’a confirmé lors d’un débat avec des Français en fin de semaine dernière. L’idée vient des Etats-Unis. Le principe est simple: les cotisations des employeurs à l’assurance chômage seraient modulées en fonction du nombre d’embauches en CDD. Une entreprise qui embaucherait plus de CDD que la moyenne de son secteur cotiserait plus, tandis que celles qui en recruteraient moins seraient récompensées. 

Et le patronat voit rouge.

Oui pour deux raisons. D’abord les réformes qui ont été menées avec les ordonnances Pénicaud commencent à produire des effets. Petit à petit, la part des embauches en CDI augmente: il y en a pratiquement autant que de CDD de plus d’un mois. Ensuite parce que les secteurs qui embauchent le plus de CDD sont les plus fragiles: restauration, hôtellerie, distribution, services à la personne etc. Leur infliger un malus va augmenter le coût du travail des moins qualifiés. Or c’est une question de bon sens : ce n’est pas en augmentant le coût du travail qu’on favorisera l’emploi.

On risque d’y perdre sur les deux tableaux : il y aura moins de CDD et pas plus de CDI. Ce bonus-malus est probablement une fausse bonne idée et le président ferait mieux d’y réfléchir à deux fois avant de le faire… ou d’écouter son Premier ministre qui n’en veut pas !