Chaque matin, Nicolas Barré fait le point sur une question d'actualité économique.
Faut-il ouvrir les vannes et laisser déraper le déficit public français au-dessus de 3% du PIB pour sortir de la crise des "gilets jaunes" ? La question agite la majorité.
Cette crise est en train de faire perdre ce qui était jusqu’ici la boussole de toute politique économique se voulant sérieuse : le retour du déficit sous la barre des 3%. Les "gilets jaunes" réclament du pouvoir d’achat ? Et bien hop, allons-y, desserrons la contrainte et tout ira mieux. Est-ce possible ? Oui bien sûr. Le déficit est attendu à 2,8% l’an prochain, on a donc un tout petit peu de marge, et en plus, ce chiffre intègre pour près d’un point un élément très exceptionnel qui est la bascule du CICE en baisse de charges sur les salaires. Donc oui, on pourrait laisser filer le déficit pour financer des mesures de sortie de crise, probablement sans provoquer une crise majeure avec Bruxelles même si ça affaiblirait la position française.
Il n’y a donc pas de raison de se priver.
Sauf que ce n’est pas cela qui changera vraiment la donne en matière de pouvoir d’achat. Ce serait tromper les "gilets jaunes" que de leur faire croire que l’État peut réellement améliorer leur sort en dépensant plus. Avec une dette à 100% du PIB, l’État n’a pas de manne à redistribuer. Pas plus, d’ailleurs, qu’il n’a la possibilité de fixer les salaires, sauf à imposer une hausse du Smic dont on connaît les risques qu’elle comporterait sur l’emploi et sur les PME. Où sont les vraies marges de manœuvre ? Un : bien sûr dans la croissance, il n’y a pas mieux pour relancer le pouvoir d’achat. Deux : dans une meilleure efficacité de la dépense publique. Car c’est ce qui explique la situation actuelle : une grande frustration à l’égard de services publics pas assez efficaces, pas assez présents, parfois défaillants, alors que nous les payons cher, nous battons tous les records de prélèvements. Avant de penser à redistribuer de l’argent que nous n’avons pas, commençons par mieux dépenser celui que nous avons. Il y a mieux à faire que de laisser filer le déficit.
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