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Chaque matin, Nicolas Barré fait le point sur une question d'actualité économique.

Une nouvelle fois, les États-Unis imposent leur loi au reste du monde : après les sanctions contre l’Iran, Washington vise maintenant ceux qui font des affaires avec Cuba ?

Cette affaire est édifiante car nous, pays européens, alliés des États-Unis, sommes les victimes de la politique étrangère américaine. Les États-Unis veulent affaiblir Cuba qu’elle accuse de soutenir le régime de Maduro au Venezuela. Soit, c’est leur droit. Et on pourrait se dire qu’un pays comme les États-Unis a beaucoup de moyens d’affaiblir Cuba. Sauf que le moyen qu’ils ont trouvé est particulièrement pervers : il s’agit de permettre de lancer des poursuites judiciaires aux États-Unis contre les sociétés étrangères présentes à Cuba. Ce qui veut dire qu’une entreprise qui a réalisé des affaires à Cuba grâce aux nationalisations de 1959, vous voyez qu’on remonte loin, à la Révolution, pourra désormais être poursuivie et condamnée.

Parmi ces sociétés étrangères, certaines sont européennes ?

Exactement. En plus de sociétés américaines comme Delta, American Airlines ou les hôtels Marriott, des groupes européens présents là-bas comme Accor, Pernod Ricard, Bouygues ou même Aéroports de Paris, mais également des Asiatiques comme Huawei, pourraient donc être inquiétés. L’Union européenne et le Canada ont immédiatement protesté, à juste titre. La Commission européenne a fait part de ses "vives inquiétudes" car nous sommes, nous Européens, le premier investisseur étranger à Cuba. Alors pour être poursuivi aux États-Unis, il faut que l’entreprise étrangère ait travaillé avec des sociétés ou des actifs nationalisés lors de la Révolution. Ce n’est pas le cas de toutes les sociétés étrangères à Cuba. Mais c’est une épée de Damoclès qui pèse désormais sur beaucoup d’entreprises.

Comme pour l’Iran ?

C’est la même logique ! Les États-Unis appliquent une justice extraterritoriale. La plupart des sociétés européennes qui étaient présentes en Iran se sont retirées depuis que l’administration Trump a réactivé les sanctions. Les Européens ont été exclus de facto d’Iran. La procédure est moins brutale s’agissant de Cuba mais on remarque tout de même deux similarités. D’abord, Cuba est aussi un pays où les intérêts européens sont plus importants que les intérêts américains. Trump dit qu’il veut affaiblir Cuba, mais c’est nous qu’il pénalise au passage. Ensuite, nous sommes une nouvelle fois impuissants face au rouleau compresseur judiciaire américain. L’Europe doit se doter d’outils de représailles pour se faire respecter.