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Après les deux crashs d'avions Boeing en 2018 et 2019, qui ont causé la mort de 346 personnes, un rapport d'enquête du Congrès américain établit les multiples dysfonctionnements et pointe du doigt la gestion catastrophique de l'avionneur américain.

Deux crashs tragiques, 346 morts. Les deux accidents du 737 Max de Boeing auraient-ils pu être évités ? Après 18 mois d’enquête, le rapport du Congrès des Etats-Unis est accablant. Ce dernier revient à dire une chose : ce qui a tué ces 346 passagers et membres d’équipage, c’est la rivalité avec Airbus. Les deux avionneurs étaient engagés dans une course de vitesse.

Le pilote avait moins de 10 secondes pour réagir

 

Airbus avait pris de l’avance avec son A320 neo, son avion le plus vendu. Pour Boeing, il fallait donc donc à tout prix commercialiser au plus vite l’appareil concurrent, le 737 Max. Et c’est ce qui a provoqué l’engrenage fatal. Pour faire certifier plus vite l’avion, dit le rapport, Boeing a caché aux autorités de tutelle et même aux pilotes des données clés sur la manière dont fonctionnait son système anti-décrochage, à l’origine des deux accidents. Boeing a notamment caché qu’en cas de déclenchement erroné de ce système, ce qui s’est produit, le pilote avait moins de 10 secondes pour réagir, sans quoi les conséquences risquaient d’être "catastrophiques".

La frontière entre les intérêts de Boeing et l’Etat américain est poreuse

En fait, le film des catastrophes avait été parfaitement prévu par Boeing. C’est ce qui est glaçant. Mais l’enquête va un cran plus loin : enquêter sur Boeing, c’est d’une certaine façon enquêter sur l’Etat profond américain. On s’aperçoit, à travers ce rapport, à quel point la FAA, c’est-à-dire l’administration fédérale qui supervise l’aviation, est infiltrée par l’industrie. La frontière entre les intérêts de Boeing, qui est à la fois un groupe civil et militaire, et l’Etat américain est poreuse. Résultat, l’autorité de tutelle n’est pas capable de jouer convenablement son rôle. Le rapport met en doute la capacité de la FAA à exercer un contrôle sérieux sur Boeing et dénonce son "insuffisance grossière".

Depuis les crashs de 2018 et 2019, le scandale a décapité Boeing et l’autorité de surveillance a été réformée mais c’est là peut-être la conclusion la plus troublante de ce rapport : le Congrès estime que le gendarme du ciel américain n’a pas tiré toutes les leçons de cette affaire. Qu’il doit encore se réformer en profondeur pour être capable d’évaluer sérieusement et en toute indépendance la qualité et la sûreté d’un nouvel avion. En clair, il y a toujours un risque de conflit d’intérêts entre l’industrie aéronautique américaine et son autorité de tutelle. Or cette autorité de tutelle, justement, teste en ce moment la nouvelle version du 737 Max pour l’autoriser bientôt à embarquer de nouveau des passagers.