2:33
  • Copié

Chaque matin, Nicolas Barré fait le point sur une question d'actualité économique. Mercredi, il explique les enjeux de la fusion entre le Français Alstom et l'Allemand Siemens.

Sauf énorme surprise, Bruxelles devrait mettre son veto à la fusion entre le fabricant de TGV Alstom et son homologue allemand Siemens mercredi. Et le gouvernement français s’en indigne déjà.

On connaît ce sport, taper sur la Commission européenne. C’est facile et ça rapporte des voix. Mais c’est très hypocrite. Pourquoi ? En gros, Bruxelles s’apprête à dire : Alstom et Siemens, qui sont les deux plus gros fabricants de trains en Europe, vont se retrouver en situation de quasi-monopole sur le marché européen. Or on ne veut pas de monopole car ça veut dire qu’ils vont vendre leurs trains plus cher à la SNCF et aux autres compagnies de chemin de fer. Donc les gouvernements et les sociétés concernées s'indignent : Bruxelles ne comprend rien, la concurrence est chinoise, il faut constituer un géant européen comme Airbus sinon on sera laminé.

Ce qui est peut-être vrai, mais Bruxelles ne fait qu’appliquer les règles que les gouvernements ont décidé : ce sont eux qui ont décidé de lutter contre les monopoles pour protéger les consommateurs. S’ils ne sont pas d’accord avec ces règles, qu’ils les changent plutôt que de taper sur Bruxelles qui ne fait que les appliquer. Voilà pourquoi cette indignation est hypocrite.

Bien sûr que les Chinois nous livrent une concurrence déloyale. Ils protègent leur marché, on ne peut pas participer à des appels d’offres, ils pillent la technologie européenne. Mais dans ce cas, soyons plus fermes : exigeons une vraie réciprocité. Et prenons des directives dans ce sens. Or ça, c’est aux gouvernements de le proposer et d’oser aller au bras de fer avec la Chine.

Sans cette fusion, Alstom ne serait pas forcément affaibli. Le fabricant de TGV français ne s’est jamais aussi bien porté : il a 40 milliards d’euros de carnet de commandes, soit cinq ans de chiffre d’affaires. Un record. Il a de quoi voir venir. En fusionnant avec Siemens, Alstom passait en réalité sous contrôle allemand. Or d’autres options sont possibles. Une alliance avec le canadien Bombardier par exemple.

Alstom a un actionnaire de référence, Bouygues, un groupe français solide. Si, dans quelques années, au lieu d’être passé sous contrôle allemand, Alstom s’est renforcé dans un marché européen mieux encadré par rapport à la concurrence chinoise, on se félicitera peut-être du veto de Bruxelles.