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Chaque matin, Nicolas Barré fait le point sur une question d'actualité économique.

Bonjour Nicolas Barré, vous revenez juste de Tokyo vous avez rencontré longuement le PDG de Nissan, qui fait figure de Brutus pour avoir dénoncé il y a deux mois les agissements du super PDG de Renault-Nissan. D’abord comment est-il, ce monsieur Saikawa ?

C’est un patron japonais atypique, occidentalisé. Il insiste pour parler en anglais. D’habitude au Japon, les PDG sont toujours entourés d’un staff imposant, tout est très encadré, millimétré, protocolaire, pesant... Là pas du tout. On comprend pourquoi Carlos Ghosn l’avait choisi il y a deux ans pour diriger Nissan : c’est quelqu’un de direct, qui va droit au but, qui dit ce qu’il pense sans prendre de gants.

C’était donc un fidèle de Ghosn.

Les relations entre les deux s’étaient tendues depuis un petit moment car les performances de Nissan étaient décevantes. Mais oui, c’est quelqu’un qui a longtemps admiré Ghosn. D’où le choc, comme pour tous ceux qui avaient suivi Ghosn depuis 20 ans, avec la découverte en fait d’un autre visage de Carlos Ghosn, un homme qui aimait trop l’argent et qui avait tellement de pouvoir au sein du groupe qu’il avait fini par confondre les comptes de Nissan avec ses comptes personnels. Vous savez par exemple que selon des fuites dans la presse japonaise, Ghosn faisait verser à sa sœur qui vit au Brésil une rémunération par Nissan depuis 2003 pour un travail fictif.

Il y en aurait eu pour plusieurs centaines de milliers de dollars… Des exemples comme cela, il y en a d’autres qui, évidemment, choquent énormément. Chez Nissan, on a un sentiment profond de trahison.

Certains, notamment chez Renault, crient au complot pour écarter Ghosn.

Les faits sont têtus. Quand un PDG est pris la main dans le sac avec des comportements contraires à l’éthique, on ne voit pas comment on pourrait éviter de l’écarter. Le dossier à charge s’épaissit de jour en jour et est en train de prendre aussi une dimension internationale. Le FBI et la SEC, le gendarme de Wall Street posent aussi des questions…

Et pourtant, chez Renault, il y a encore des gens qui s’interrogent.

Mais côté japonais, on s’interroge encore plus sur un autre point : pourquoi les éléments d’enquête transmis par Nissan en décembre, avec tous les détails sur les agissements de Ghosn, des copies d’emails, des avis de virements, des montages financiers, pourquoi tout ça n’a toujours pas été présenté au conseil d’administration de Renault. Ça a été communiqué à des dirigeants de Renault, aux avocats mais pas au conseil d’administration où siège l’Etat. Pourquoi ? C’est absolument incompréhensible et Saikawa le dit clairement.

Nissan et son patron veulent vraiment que l’alliance avec Renault continue ?

Aucun doute : oui. D’ailleurs Saikawa considère que c’est plus important que de parler de rééquilibrer les pouvoirs au sein de l’alliance. Ce sera un sujet un jour mais pas maintenant car la priorité, c’est que cette alliance industrielle se poursuive.